Dépôt de bilan : l’abattoir de Sarreguemines en rabat ?

Moins de dix-huit mois après son inauguration, l’abattoir de Sarreguemines est en redressement judiciaire. Selon ses dirigeants, cette décision est liée à un investissement de départ plus important que prévu. Au départ voulu comme franco-allemand, l’équipement n’a finalement accueilli que du bétail issu de la Lorraine. La justice se donne trois mois pour étudier le dossier. Un premier délai pour remettre à plat la gestion d’un abattoir à haute valeur symbolique. Tout cela dans une secteur de la viande aujourd’hui en plein bouleversement.

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Moins de dix-huit mois après son inauguration, l’abattoir de Sarreguemines est en redressement judiciaire. Selon ses dirigeants, cette décision est liée à un investissement de départ plus important que prévu. Au départ voulu comme franco-allemand, l’équipement n’a finalement accueilli que du bétail issu de la Lorraine. La justice se donne trois mois pour étudier le dossier. Un premier délai pour remettre à plat la gestion d’un abattoir à haute valeur symbolique. Tout cela dans une secteur de la viande aujourd’hui en plein bouleversement.

C’est un véritable coup dur. Mardi matin, la société des Abattoirs industriels de la vallée de la Sarre (Abisa) a déposé son bilan auprès de la chambre commerciale du TGI de Sarreguemines. « Une procédure de redressement judiciaire a été ouverte et un administrateur a été nommé », confirme le procureur Michel Beaulier. L’affaire a été renvoyée au 25 novembre, ce qui laisse trois mois à l’administrateur pour mener à bien sa période d’observation. Une décision de justice qui fait suite au dépôt de bilan de la SAS Fermiers réunis le 6 août devant le TGI de Metz et de la Société Fermiers réunis le 5 août devant le TGI de Nancy. La justice a mandaté le même cabinet pour les trois société placées sous sa responsabilité.

Marges faibles

Cette procédure en cascade s’inscrit dans un climat délicat pour toute la filière française de la viande. Selon plusieurs professionnels, la baisse du pouvoir d’achat se répercute sur les choix effectués par le consommateur et la concurrence est importante en Europe. « Pour le marché de la viande, les marges sont très faibles, l’activité peut se retourner facilement, être très rapidement bénéficiaire ou déficitaire. Il ne faut pas de grands écarts de prix pour que les difficultés apparaissent», estime Jean-Luc Claire, directeur de l’Association Lorraine Interprofessionnelle du bétail et des viandes (Alibev). En parallèle à cette réalité, une forte concentration s’effectue dans ce secteur. « Pour peser sur le marché national, la stratégie retenue par certains est de former de grand groupe. » Ainsi, l’année dernière, le géant Bigard a avalé Charal. Début août, Bigard a annoncé qu’il allait prendre d’ici janvier 2009 51% du capital de Socopa, autre poids lourd du secteur. Une simplification qui devrait avoir des répercutions sur le nombre actuel d’implantations. « Les spécialistes estiment qu’il y a trop d’abattoirs en France aujourd’hui. » Et comme l’analyse un autre acteur de la filière, « il y a très peu d’équipements neufs qui s’ouvrent. Quand, en plus, ils se cassent la gueule… »

Dossier politique

Travelling arrière. Lorsque l’abattoir de Sarreguemines est inauguré en décembre 2006, c’est la concrétisation d’un dossier à haute valeur politique. Auparavant situé en centre-ville, l’équipement à bout de souffle est transféré en zone industrielle. Rutilant, répondant aux dernières normes sanitaires… Le député-maire UMP Céleste Lett est particulièrement sensible à ce dossier. Il l’a suivi de près et a poussé à sa concrétisation. C’est innovant, c’est bon pour la photo, tout ce qu’il apprécie.
Pour couper le ruban, il convainc même le ministre de l’Agriculture de l’époque, Dominique Bussereau, de venir inaugurer les locaux ultra-modernes. Dans son discours, ce responsable salue « cet abattoir dont la zone d’influence s’étendra sur toute la région. » Dans un monde agroalimentaire alors encore fragilisé par la fièvre catarrhale ovine, Bussereau se montre particulièrement confiant, annnonce « qu’il faut être optimiste pour l’avenir, je veux dire pour un futur proche. » …Cruauté du sort, moins de 18 mois plus tard, Abisa se place sous la main de la justice.

Dérobade allemande

A l’origine du dépôt de bilan, plusieurs rendez-vous manqués. C’est tout d’abord les actionnaires allemands du projet qui ont finalement fait défaut à cette réalisation transfrontalière. Au départ, ils devaient investir près de 15% des 11,2 millions d’euros injectés dans ce projet. « A l’époque, ils pensaient ne plus bénéficier sur le sol allemand des dérogations qu’ils avaient pour abattre les bêtes dans des structures plus légères en terme d’hygiène »,  précise le président départemental de la FDSEA, Jean-Marc Bréme. D’où la nécessité d’avoir un autre débouché pour leur bétail. Seulement voilà, les Sarrois n’ont pas ou très peu franchi la frontière, en tout cas pas dans les volumes escomptés.
En parallèle, un dépassement de budget de 2 à 3 millions sur le prévisionnel ont plombé les comptes. Dans un métier aux marges réduites, il a donc fallu répercuter sur le prix final ces dépenses imprévues.
Pour autant, durant l’année 2007, le volume de viande traité a avoisinné les 7 000 t. Suffisant pour respecter le plan de marche initial. Pas assez pour compenser le dépassement de budget !
Après avoir étudié différentes possibilités, dont le rapatriement d’une partie de l’activité transformation effectuée à Nancy, les responsables ont préféré se mettre sous la protection de la justice. Une manière de tout remettre à plat pour mieux repartir. Prochain rendez-vous dans trois mois pour étudier la situation alors que l’activitié, elle, se poursuit sur le site.
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L’abattoir de Sarreguemines, en redressement judiciaire.
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Abattoir de Sarreguemines, viande d’abattage.