

8 000 ampoules
Deux heures d’ouverture nocturne pour observer les Pierres numériques, c’est peu face à la densité de l’offre. Certaines créations, plus proches du spectacle, méritent d’être contemplées du début à la fin, jusqu’à la dernière miette, voire plusieurs fois de suite tant elles transportent sur une autre planète. La preuve ce soir là au musée de la Cour d’or, première étape du parcours : un homme aux cheveux légèrement bouclés reste immobile et les yeux écarquillés durant au moins deux sessions de l’installation Submergence, où le public peut arpenter une forêt de fils sur lesquels sont accrochés près de 8 000 ampoules à l’éclat et aux couleurs changeants. A côté de lui, deux jeunes filles noyées dans ces guirlandes d’étoiles ne lèvent pas une seule fois le nez de leur écran de portable rétro-éclairé.À lire – Metz : le festival Constellations enfonce Trump dans l’eau
La cohue de spectateurs submergeant soudain le vigile à la sortie du musée n’a rien d’anormal : la première séance du vidéo-mapping projetée sur la façade de la cathédrale s’est terminée, déversant des grappes de spectateurs de part et d’autre du parcours. Cette œuvre monumentale baptisée Morphosis reste sans conteste celle qui attire le plus de curieux, même si ses orientations davantage psychédéliques, plus nerveuses et moins chirurgicalement liées à l’architecture de l’église que les éditions précédentes n’obtiennent pas l’unanimité : « Je préférais les deux années précédentes : la musique était moins techno et les effets sur la pierre plus saisissants », estime une habitante. D’autres perdent les pédales sur la presqu’île du Saulcy, dans un jardin Fabert baigné d’une lumière éclatante : « Il y a du brouillard », constate un promeneur, devant la projection digitale Constellations affichée sur un mur d’eau, dans la Moselle, mais qui déborde de son cadre : « Regarde les arbres, derrière nous ! », lance une silhouette à une autre, l’obligeant à se tourner vers trois grands feuillus aux branches devenues scintillantes et fluorescentes sous les effets de la lumière.

Jardin Fabert.
« 20 à 30% de clients en plus »
Si l’aura du festival Constellations resplendit jusque dans la presse nationale (Télérama, Le Figaro, le JDD), certains autochtones n’en ont encore qu’une vague vision malgré sa troisième édition : « Tu sais, c’est le truc numérique sur la cathédrale », explique un jeune homme à l’un de ses amis, tous deux attablés place Saint-Louis et semblant ignorer qu’un parcours entier permet de mêler flânerie et expérience artistique à deux pas d’eux. Certes, plusieurs œuvres s’épanouissent dans un climat plutôt confidentiel (les lunes changeantes de Mutation du visible, affichées le long de la Moselle) ou ésotérique (la « mise à mort de l’ère numérique » d‘In Vivam Memoriam au Temple Neuf, où Romain Tardy mêle installations lumineuses et natures mortes d’objets digitaux). Mais d’autres ont eu les honneurs de journaux étrangers comme Everything’s Fine, de Jacques Rival (El Mundo en Espagne, The Telegraph en Angleterre, L’avenir en Belgique). Cette tête de Donald Trump, immergée par l’artiste pour illustrer le climato-scepticisme buté du président des États-Unis à l’heure de la montée des eaux, réussit presque à ombrager le vidéo-mapping de la cathédrale messine : les badauds la photographient de nuit comme de jour.À lire – Metz : qui se cache dans le costume de l’astronaute de Constellations ?
De quoi amplifier la réussite du festival, plébiscité par les commerçants de la place Saint-Jacques : « Des vagues de gens traversent nos terrasses, beaucoup s’arrêtent pour y boire un coup », s’enthousiasme Henri Della Catta, propriétaire et gérant de café. « Les nuits de Metz sont calmes, en dehors de Constellations. Mais du jeudi au samedi soir, c’est 20 à 30% de clients en plus. Dommage qu’on soit obligé d’arrêter de les servir dès 1h30, surtout en période de canicule. » Même déception au bout du parcours Pierres numériques, peu avant minuit : la basilique Saint-Vincent ferme ses lourdes portes boisées sur l’installation 1,3 seconde devant une petite dizaine de spectateurs frustrés. « La jauge est pleine et Constellations ferme. Mais vous pouvez revenir demain », lance une médiatrice. Pour continuer de s’amuser, un vendredi soir.