
« Rester à l’avant-garde »
C’est comme ça qu’il conçoit le métier : plein de réinventions, seules capables de continuer à surprendre le public. « Sans cela, les gens se lassent vite. » Un forain, dit-il, est là « pour apporter de la joie, de l’émerveillement ». Il aime son métier, et l’histoire de son métier. Quand on le compare à un saltimbanque, il corrige : « Non, les saltimbanques, c’étaient ceux qui présentaient l’homme le plus grand du monde, la femme la plus forte, les lilliputiens… » Lui évolue dans un autre registre. Il a deux manèges à lui. Une chenille pour enfants et un jeu de pinces, « ces jeux dont on prétend qu’ils sont des attrape-nigauds », se marre-t-il. Les clichés, il n’en a cure. Tony Coppier dit construire actuellement un nouveau manège. « Inventeur », donc, comme déjà dit. Mais aussi « fermier ou agriculteur. On est comme eux. On a un outil de travail, et si on l’abîme c’est notre fortune qui s’en va ». Forain, en somme, c’est travailler avec ses mains. Et faire montre d’ingéniosité, car « il faut rester à l’avant-garde. D’autant plus aujourd’hui. Car ça va bien plus vite qu’avant ».

dans la rue Fabert. Photo La Semaine
Cinquième génération
Chez les Coppier, on bosse là-dedans de père en fils depuis cinq générations. Tony est né à Aix-en-Provence. Quand il n’est pas sur les foires, il se partage entre Lille et Aimargues, un village du Gard situé entre Montpellier et Nîmes, où plongent ses racines. Tout commence pourtant en Haute-Savoie, d’où est originaire cette famille issue de la noblesse. On confie à son arrière-grand-père la charge de servir l’Église. Mais devenir curé, il refuse. Alors il prend la tangente. Propose ses bras aux forains installés à Annecy. Aide à monter et démonter les manèges. Avant de faire parler ses talents de peintre. Il s’occupe des décors. Pareil dans les cirques. Le point de départ d’une saga familiale, qui grandit et prospère. Au milieu des années 1970, le père de Tony Coppier acquiert ce qui était alors « le plus grand manège de France », soit « un train à grande vitesse installé sur un rail de 40 m de long et 20 m de large ». À l’époque, le fiston se demande ce qu’il fiche en classe. « L’école, ça ne m’a pas branché. » À la place, il travaille un coup avec l’électricien, un coup chez les boulangers. « Mon père m’a dit : “Au lieu de travailler pour les autres, tu vas travailler avec moi.” » Et voilà, c’était parti. Il est jeune marié lorsque ses parents ont la possibilité de rejoindre le parc Lunapark de Saint-Tropez. À eux le soleil, à lui et à son épouse les emplacements qui leur appartenaient. Plein Nord. « En 1984, j’ai même vu la mer gelée à Dunkerque. Ça me changeait du Sud », où un oncle, des années auparavant, disposait d’une grande roue sur la foire de Perpignan. Avant de s’y installer. De là, ses attaches gardoises. Forain, Tony Coppier dit que « c’est une vie compliquée, mais pas une vilaine vie ». Il a pris sur lui, lors du premier confinement, lorsqu’il s’est retrouvé loin des siens, dans sa caravane, bloqué à Troyes alors que tout autour l’existence se figeait. Ses trois enfants ont pris la même aspiration. Tous travaillent dans le milieu, actuellement disséminés aux quatre coins du pays. Le patriarche, lui, sait qu’un jour viendra où il faudra « mettre le pied sur le frein ». Pas forcément s’arrêter tout de suite et d’un coup, mais « se poser, à un moment donné, et aller vers quelque chose de plus paisible ». Il prendra moins la route. Mais la vie continuera de tourner. Comme la grande roue derrière lui, un cycle après l’autre.