
« J’ai souffert quand j’étais gosse »
Qui ne connaît pas la « Mamie Vélo » de Metz ? À presque 93 printemps, Marianne Walas tient toujours sa boutique, celle où elle a rencontré son époux, au 31 bis rue Haute-Seille. Alors qu’on lui demande de nous faire le récit de son enfance, elle se confie sur cette période de sa vie. La plus compliquée. Qui a laissé de nombreuses traces, même plus de 80 années plus tard. « J’ai souffert quand j’étais gosse », commence-t-elle. Il faut dire que son enfance, Marianne Walas l’a vécue en Pologne sous l’occupation nazie. Ses parents ne sont pas à ses côtés – ils ont rejoint la France – et la jeune fille de 8 ans vit auprès de ses grands-parents et essaie de s’occuper comme elle le peut d’un de ses petits frères malades. Le quotidien n’est pas facile. La faim tiraille les ventres et la guerre ne permet pas de trouver un sommeil serein. Un jour, les Allemands viennent la chercher pour « l’emprisonner ». La fillette est alors emmenée de force dans une ferme où elle est obligée de travailler, et assure la traite des vaches notamment. Elle est battue aussi bien par les Allemands que les Polonais qui veulent se faire bien voir de l’ennemi. Mais déjà du haut de ses trois pommes, Marianne fait preuve de malice. Elle comprend vite comment se mettre les Allemands dans la poche. Alors que plusieurs veulent abuser d’elle, elle trouve le moyen de les en dissuader. Alors qu’ils veulent la forcer à regarder les corps morts, elle réussit à faire semblant… « J’étais gentille et aimable », se souvient-elle. Son comportement plaît. Un grand-père allemand la prend sous son aile, la protège des coups et lui donne parfois quelques pommes de terre et des gâteaux quand elle lui en réclame. Des denrées que la jeune fille s’empresse de confier à ses grands-parents mais aussi à des familles juives. De cette période, Marianne Walas garde « beaucoup de mauvais souvenirs » mais elle en conserve aussi des bons : la relation qu’elle noue avec les Juifs en fait partie. Dès qu’elle le peut, elle vient les aider en leur apportant de la nourriture mais aussi en leur allumant un feu, les jours de shabbat. Un autre souvenir lui tient à cœur. Un geste touchant d’une femme juive qui lui donnera quatre crêpes pour son frère malade alors qu’elle lui en fait la demande. Puis arrive le jour de la délivrance, celui où son père revient la chercher en Pologne pour la ramener avec lui en France, à l’abri de la guerre et à l’abri des persécutions des Nazis. Elle est cachée dans le train et finit par arriver indemne. Des milliers de Polonais ont été exécutés durant cette période mais la petite fille qu’elle était a réussi à s’en sortir… « Le bon Dieu m’a aidée et aujourd’hui je suis toujours là. » • En 2015, Aurélia Salinas avait également rencontré Marianne Walas pour les besoins d’un portrait que nous vous proposons de (re)découvrir ici.