Ancienne directrice artistique dans la mode, Léa Ruellan a créé sa marque de CBD 100% française, fabriquée à partir de produits naturels et extraite sans solvants chimiques. © DR
En moins de trois ans, elle s’est fait un nom dans l’univers du CBD. Léa Ruellan vient d’installer le siège de son entreprise à Nancy, et compte changer l’image de ce dérivé naturel du chanvre. Son credo : une approche féminine, bio, sourcée et centrée sur le bien-être.
C’est un produit dont la légalisation a mis du temps, mais qui commence à se normaliser. Le CBD, autrement appelé cannabidiol, molécule naturelle dérivée de la plante du chanvre, est aujourd’hui en vente dans de nombreuses boutiques après avoir frôlé l’interdiction l’an dernier, en tout cas pour sa commercialisation sous la forme de fleurs de cannabis. Derrière cette longue acceptation qui a vu naître près de 2 000 magasins en France se cachait un problème d’image : comment situer le CBD et ses vertus médicinales par rapport à son cousin aux propriétés psychotropes, le cannabis classique ?
Léa Ruellan a choisi d’apporter une réponse en inscrivant ce produit dans une démarche de qualité qui n’a rien à envier aux meilleurs produits issus de nos terroirs. Là où l’on ignore souvent l’origine des plantes commercialisées, elle oppose une provenance très précise : trois domaines en France, cultivés par des femmes, des maraîchères bio, dans les Landes, près de Lyon et de Marseille. La traçabilité est poussée jusqu’à une analyse très poussée des sols avant la plantation : « Quand on a la prétention d’utiliser des plantes pour leurs vertus sur notre santé, explique Léa Ruellan, il faut s’assurer en amont qu’elles ne se chargent pas en métaux lourds lors de leur pousse ! C’est un minimum. »
Rompre avec l’image de drogue légale
Un minimum qu’elle n’a pas pu constater dans les premières boutiques qu’elle a fréquentées. Au départ, Léa Ruellan souhaitait trouver une solution pour soigner les effets négatifs d’un trouble dysphorique prémenstruel dont elle souffre depuis ses 14 ans et qui lui occasionne des phases de dépression. « J’ai vécu une adolescence pas très cool, avec comme seule solution des prescriptions d’antidépresseurs et leur lot d’effets secondaires. J’ai cherché des alternatives naturelles mais sans effets vraiment concluants. » Alors qu’elle est étudiante aux Beaux-Arts, elle tombe par hasard sur une étude canadienne sur le CBD à usage médical. « J’ai découvert une plante magique, considérée là-bas comme un médicament et qui continuait en France à trimballer une image négative. Je me suis énormément documentée, je suis allée au Canada, qui est très en avance sur le sujet, j’ai rencontré des médecins sur place mais j’avais du mal à dépasser l’image de drogue, forcément dangereuse et addictive, qui collait à cette substance. Du coup, j’hésitais moi-même à en faire un usage régulier. Puis j’ai été convaincue. »
Publié l’an dernier chez Hachette, le livre de Léa Ruellan veut tordre le cou, en 160 pages, aux idées reçues sur le CBD. © DR
Elle commence à tâtonner et se lance dans des préparations, sous forme d’huile principalement, qui lui permettent vite de se passer de médicaments. Il y a deux ans et demi, elle décide de fonder sa marque, emboîtant le pas des premières enseignes en France, mais en tentant de se démarquer par une démarche qui s’apparente à celle du bio. « J’ai travaillé des années comme directrice artistique et après une dernière mission dans la mode, je me suis autorisée à rêver à développer une activité que je réservais à mon entourage proche et à voir plus grand. Juste avant le confinement, j’ai sillonné la France à la rencontre de chanvrières et j’ai lancé ma mini-marque et ma première production d’huile de CBD bio. En bref, j’ai fondé ce que je voulais consommer. »
Avec sa marque Équilibre CBD, Léa Ruellan veut casser les codes qui collent encore trop, selon elle, au commerce du CBD : « Beaucoup jouent sur l’image du cannabis légal, comme s’ils célébraient la possibilité de vendre enfin une drogue autorisée. Ce n’était vraiment pas mon truc. Au Canada, on trouve à l’inverse une image plus pop, de la bonne humeur, quelque chose de bon pour la santé mais aussi plaisant et récréatif sans caricature. » Après avoir créé sa filière de chanvre en France, Léa Ruellan a l’idée d’adjoindre à ses huiles les vertus d’autres plantes. « Je me suis toujours intéressée à l’herboristerie. J’ai tout de suite eu l’idée d’intégrer des plantes comme le calendula, l’immortelle de Corse, le bleuet des Vosges dans les préparations à base d’huile de cannabidiol pour conjuguer leurs vertus. »
Féminiser le secteur
Léa Ruellan fait macérer dans ses huiles enrichies au CBD des plantes possédant des molécules complémentaires pendant 45 jours. © DR
À côté de l’huile de CBD, qui représente la majorité de sa gamme, Léa Ruellan propose 32 références allant des tisanes aux « gummies » et finalise une nouvelle offre de cosmétiques. Forte d’une première expérience réussie dans la vente en ligne – avec plus de 500 commandes chaque mois – elle a pu ouvrir à Paris une cinquantaine de points de vente dans des lieux prestigieux comme Le Bon Marché, les Galeries Lafayette ou dans le corner bien-être d’une vingtaine de Monoprix en France. En arrivant à Nancy, Léa Ruellan a recruté quatre personnes – en plus des six en free-lance qui développent la marque. Uniquement des femmes, comme les cultivatrices par ailleurs : « J’ai voulu aussi jouer la carte féminine, car en entrant au syndicat du chanvre dont je suis aujourd’hui porte-parole, j’ai découvert un milieu presque exclusivement masculin ! Et pourtant le CBD répond à pas mal de problématiques de bien-être typiquement féminines. »
Aujourd’hui, 80 % des clients d’Équilibre CBD sont des clientes et forment une communauté sur les réseaux de près de 15 000 membres. Pour la suite de son implantation à Nancy, Léa Ruellan cherche des locaux en centre-ville qui pourraient accueillir à la fois ses bureaux et une boutique où elle proposera ses produits très girly. « J’ai commencé les vistes et j’aimerais pouvoir ouvrir en septembre prochain. » Pour appuyer sa démarche de défense du CBD, Léa Ruellan a publié l’an dernier un guide pratique chez Hachette, intitulé CBD, que faire avec ?, dans lequel elle relate l’histoire de cette plante utilisée pour ses vertus curatives depuis le néolithique, et propose des recettes pour le consommer sous toutes ses formes.