
« Très très compliqué »
En juin 2016, le nom du troisième à tenter le coup est riche de promesses. Il s’agit d’Éric Maire, l’une des références de la place messine. Son Écluse, place de Chambre, avait décroché une étoile, avant qu’il n’ouvre une autre adresse, À côté, où il souhaitait cuisiner de manière plus simple et décontractée. Avec son arrivée à Pompidou, il renouait avec un savoir-faire classique et une grosse machine à faire fonctionner. La première année d’exploitation est plutôt bonne. Prometteuse. Les clients sont là, une inscription au « Gault & Millau », une autre au « Guide Michelin » gonflent d’espoir tous les artisans du projet. Jusqu’à ce que les chiffres dégringolent. La faute en partie… aux problèmes d’accès. Mais aussi à des frais de fonctionnement énormes et à une fréquentation du restaurant dépendante des propositions artistiques du musée. Un trou dans la programmation se répercute immédiatement sur l’affluence du resto. Des faiblesses connues depuis les premières heures de Pompidou. Consulté à l’époque par André Nazeyrollas, adjoint à l’urbanisme de Jean-Marie Rausch, Thierry Krombholz, chef emblématique du Jardin de Bellevue puis de Thierry Saveurs rue des Piques, avait émis quelques réserves. « Après étude du projet messin, j’avais affirmé que son exploitation commerciale – je parle du premier étage – serait très très compliquée. Les raisons étaient multiples : accessibilité difficile, problèmes techniques pour une exploitation correcte avec des soucis d’étanchéité des sols, de l’extraction des cuisines qui risquaient de créer des salissures sur le toit, etc. J’ai également expliqué que, sur le quartier, l’offre en restauration allait monter en puissance au fil des années et que passé l’effet “ouverture”, la fréquentation chuterait obligatoirement… avec donc des difficultés pour l’exploitant », expliquait-il. Éric Maire est à l’épreuve de toutes ces réalités. Il y perd de l’énergie et quelques milliers d’euros. En octobre 2019, La Voile blanche n’a, une nouvelle fois, plus de chef à sa barre. Son nom disparaît complètement du paysage symboliquement et concrètement. La suite s’écrit en pointillé. En août 2020, après le Covid, une nouvelle formule est imaginée avec Marcotullio. Il propose une offre traiteur qui, dans la tête du conseil d’administration, ne peut être que provisoire. Un appel d’offres est lancé en février 2022. Chiara Parisi, directrice du Centre Pompidou, décrit ainsi la philosophie de ce qu’elle imagine alors : « Nous avons envie de proposer dans ces véritables lieux de vie que sont le restaurant et son café une pause pleine de sensations, en harmonie avec la magnifique architecture de Shigeru Ban. Le café s’épanouira dans le nouvel écrin que le paysagiste Gilles Clément est en train de dessiner. Nous voulons une cuisine qui nous incarne, qui associe nature et gourmandise. Nous souhaitons accueillir une cheffe ou un chef maître dans l’art de faire rimer produits frais, de saison et de qualité, qui a la volonté de communiquer sa passion et sa joie de vivre. » L’appel d’offres reste sans réponse….et le restaurant fermé.
Coup d’éclat
Tous les restaurateurs professionnels de la ville sont consultés mais personne ne veut s’y coller… Jusqu’au coup d’éclat de ce début d’année. Pompidou ne pouvait sans doute pas rêver meilleur profil tant en termes de qualité que d’attractivité. Charles Coulombeau ne souhaite pas écrire un autre chapitre à cette histoire. C’est un nouveau roman qu’il ouvre aujourd’hui. Il choisit de nous amener vers le Japon, ce qui colle avec les origines de ce musée imaginé par Shigeru Ban. Dans les colonnes de La Semaine de Nancy parue le 11 janvier, il expliquait avec enthousiasme ses projets pour le Centre Pompidou. « Avec l’équipe, nous avons vu une bonne opportunité. Une offre gastronomique sera proposée le soir dans la bulle en verre qui est sous la voilure du bâtiment. Ensuite, comme je trouvais cette perspective un peu trop réduite pour un tel espace, nous avons réfléchi au potentiel dont dispose la grande salle. C’est là qu’est venue l’idée d‘insérer une brasserie pour le déjeuner afin de valoriser le lieu. La finalité, c’est de faire une brasserie inspirée des izakaya japonais, c’est-à-dire des petites tavernes avec plein de plats de partage, mais adaptées avec des plats de brasserie française un peu revisités à la japonaise. À l’image de ce que nous faisons avec notre food-truck. Nous sommes en train de former une équipe, de former un chef qui sera un chef exécutif et mon représentant au Centre Pompidou. Moi, j’irai à Metz toutes les semaines, je partagerai mon temps entre les deux enseignes mais avec davantage de présence à Nancy qui est le bastion, la maison mère. Il y a aussi Baptiste Depeme, mon chef adjoint, qui sera amené à être à Metz. La cuisine servie sera la mienne au même titre que lorsque je m’absente parfois du restaurant. La brigade qui cuisine est la même que quand je suis là. On prend vraiment le temps de la formation, de la transmission. Nous construisons une équipe solide autant pour la brasserie que pour le restaurant gastronomique. Le soir, ce sera la cuisine gastronomique que l’on sert à la Maison dans le Parc mais avec une direction sur les menus qu’on appelle omakase au Japon, qui sont des menus un peu plus longs avec une belle succession de plats. On va continuer à travailler sur la scénographie en salle avec de vraies et jolies interactions entre les arts de la table – nous avons fait faire de la vaisselle sur mesure par une artisane lorraine – et les clients, avec toujours des produits locaux, toujours une inspiration japonaise qui se justifie par le lieu créé par un architecte japonais, mais aussi par l’expérience que j’ai acquise au Japon lors de mes différents séjours. » Une profession de foi qui met en appétit. Ouverture prévue en juin.