Littérature. Hanna Assouline : « Haïr semble si facile »

Hanna Assouline était en Israël et à Gaza quelques jours avant le 7 octobre où elle participait avec son association à la grande Marche The Mother’s Call. L’espoir alors existait encore de faire entendre la voix de la paix soutenue par de nombreuses femmes de toutes les nationalités, y compris israéliennes et palestiniennes. Relayer cette démarche est une toute petite pierre apportée à l’édifice d’une utopie, pourtant à portée de main. Militer pour la paix à un moment où le bruit des bombes domine, peut paraître insensé, vain, inconscient ou simplement stupide. Et s’il semble que cette approche ne fasse guère recette, il n’en reste pas moins que de nombreuses associations œuvrent en ce sens. Hanna Assouline a créé Les Guerrières de la paix en 2022, un mouvement constitué majoritairement de femmes qui ont fait le choix radical de « la justice, la réparation, la reconnaissance, plutôt que la destruction ». L’idée est simple, confronter les narratifs, revenir au vécu, opposer la vie réelle composée de voisinage et de partage à la politique. Connaître l’autre, celui sur lequel on projette les pires fantasmes, suffit souvent à neutraliser une image corrompue par les propagandes. Si évident et si impossible ! Cependant, il faut parfois mettre face à face des versions contradictoires, accepter que tout ne soit pas noir ou blanc, que le Hamas ne soit pas toujours dénoncé clairement, idem concernant l’action du gouvernement israélien. Cependant l’idée que la paix représente l’unique alternative à un conflit qui dure depuis trop longtemps, permet de passer outre les divergences. Depuis le 7 octobre, garder le cap est devenu particulièrement difficile. Au-delà du découragement, de la tristesse, de la colère, de la tentation de choisir un camp, il faut faire face aux injures, aux menaces, à la furie d’êtres humains qui déshumanisent les autres. Dans ces conditions, on peut comprendre que les beaux principes d’amitié et de tolérance deviennent excessivement fragiles et nécessitent une conviction inébranlable pour « pleurer ensemble tous ces drames ». « La paix est un camp en soi, qui exige du courage. » Surtout lorsque de part et d’autre, la haine, la cruauté et l’esprit de vengeance laissent derrière eux des milliers de victimes. Selon Hanna Assouline, le chemin passe par le dialogue, « la reconnaissance de la légitimité de l’autre » et la fin des récits caricaturaux transmis de génération en génération. Cependant, que peuvent ces bonnes volontés, ces élans d’espoir et de désespoir, ces nobles intentions œuvrant à coups de conférences et de manifestations ? Au moment où la guerre prend de plus en plus d’ampleur dans le débat et où le ressentiment bâillonne les échanges, atténuer cette importation du conflit à l’origine d’une montée de racisme et d’antisémitisme inédite dans l’Hexagone, serait déjà une grande victoire. La tâche paraît infinie, inaccessible et pourtant la seule raisonnable. « Guerrière de la paix », Éditions du Seuil, 144 pages, 15,50 euros

Repères

Née en 1990 à Paris, Hanna Assouline est la fille de Brigitte Stora et de David Assouline (Sénateur PS de 2004 à 2023). Journaliste, elle enquête pour « Cash Investigation » et a travaillé pour « Envoyé Spécial » sur les attentats de 2015. En 2018, elle a réalisé le documentaire « Les Guerrières de la paix » pour la Chaîne parlementaire où elle présente WWP (Women Wage Peace) dont s’inspire l’association Les Guerrières de la paix qu’elle copréside avec Fatima Bousso.

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