Pour mettre en lumière ces milliers de professionnels qui travaillent parfois dans l’ombre, le Mensuel Grand Est Eco est parti à la rencontre de plusieurs personnalités du territoire qui oeuvrent pour donner ses lettres de noblesse à l’artisanat. Rencontre avec ces passionnés.
Jean-François Feuillette, pas encore rassasié

« J’accompagnais mon père sur des brocantes le week-end, avant le départ, il rendait visite à un de ses amis boulanger. On entrait dans le fournil à cinq heures du matin, j’en garde encore l’image intacte du pâtissier avec sa toque et des odeurs du fournil. Depuis, ça ne m’a jamais quitté. » Ainsi a démarré l’histoire de Jean-François Feuillette avec la boulangerie. Une première boutique à Blois en 2009, puis deux, puis trois. Aujourd’hui, le natif de Conflans-en-Jarnisy en Meurthe-et-Moselle est à la tête d’un réseau de 70 points de vente partout en France. Désormais, le groupe (140 millions d’euros d’activité) emploie 2 000 salariés et ses magasins atteignent un chiffre d’affaires moyen de 2,5 millions d’euros. Sa recette gagnante : parier sur une production maison, en arrière-boutique, de plus de 80 % de ce qui se vend au comptoir « J’adore encore mettre la main à la pâte. J’ai gardé l’âme d’un pâtissier et au quotidien, je suis en rapport étroit avec mon chef pâtissier pour évoquer la qualité des produits, échanger sur des inspirations. Je parle gâteau et cuisine tous les jours ! » Aujourd’hui, le dirigeant rêve d’installer sa marque à l’étranger.
Adeline Masson-Thomas : beau comme un camion
Elle peut se targuer d’avoir été dans la même promotion que Thomas Pesquet et d’avoir travaillé pour des fleurons de l’industrie française comme PSA et Airbus. Mais Adeline Masson-Thomas n’est pas du genre à avoir constamment la tête dans les étoiles. Et c’est bien à Jarny, en Meurthe-et-Moselle, qu’elle est revenue sur terre et a posé ses valises depuis 2008. Pour un retour aux sources, à la maison. Cette ingénieure aéronautique de formation y a repris la société familiale Masson-Polyfroid, le plus ancien fabricant de camions magasins de France, fondé en 1954. Celle qui incarne la troisième génération y a mené une révolution indispensable, lançant notamment Masson Polyfroid Location en 2013 ou construisant de nouveaux bureaux. Prochain objectif ? Conserver le label « Entreprise du patrimoine vivant », délivré en cette fin d’année par l’État. Pour continuer à carburer au super, à la tête de son entreprise qui compte une dizaine d’employés.
Fabrice Gwizdak : bon comme du bon pain

Une gouaille naturelle, une bonhomie évidente, adepte des médias, hier sur les plateaux TV avec son ami, le regretté Jean-Pierre Coffe, aujourd’hui sur les ondes pour évoquer l’AS Nancy-Lorraine et du foot, son autre passion, Fabrice Gwizdak est un personnage qui ne se la raconte pas, mais se raconte facilement. Il est pourtant LE boulanger du centre-ville de Nancy. Sa boutique, rue Raugraff, est une institution depuis trois décennies et la file d’attente, bien au-delà du trottoir, ne désemplit jamais aux heures de pointe, pour acheter, notamment, son célèbre gâteau lorrain. Une consécration pour ce Mosellan de Kédange-sur-Canner. À 59 ans, l’heure de la retraite approche petit à petit même s’il n’a jamais autant travaillé que ces dernières années, pour compenser la hausse des loyers, du prix de l’énergie ou des matières premières. « Je finirai ma carrière à Metz ou à Strasbourg », annonçait-il il y a quelques années. Chiche ?
Marie Flambard : la fibre de verre

Installée à la cité du Faire à Jarville (Meurthe-et-Moselle), Marie Flambard est artiste verrier et réalise des créations hybrides mixant le verre à d’autres matériaux. Elle est calme, posée, comme si sa profession, on devrait dire plutôt son art, était le terme d’un parcours initiatique qui la met en harmonie avec elle-même. Imprégnée depuis sa plus tendre enfance par la nature, cette Normande d’origine s’est réellement fait un nom grâce à ses bijoux, participant même en 2023 à la Fashion Week de Paris, en collaboration avec la maison de couture Hodié. « Une opportunité assez folle. J’ai pu présenter ma marque car, habituellement, pour les défilés on va plutôt vous passer des commandes. » Lauréate du prix « Création » Grand Est, elle a également pris part cette année à la finale du concours national Ateliers d’Art de France. Et ce n’est sans doute qu’un début, à 34 ans…
Alexandre Polmard : viandard et star internationale

Une chanson de Franck Sinatra peut changer un destin. Parti pour intégrer une école de commerce après une année sabbatique à New York, Alexandre Polmard écoutait une chanson de l’idole californienne en regardant la neige tomber quand il prit la décision de rentrer au bercail et de reprendre la ferme familiale à Saint-Mihiel, petite commune de 4 000 habitants dans la Meuse. Bien lui en a pris. Seize ans plus tard, l’éleveur boucher, désormais 35 printemps, est une star internationale. Les chefs étoilés se l’arrachent, pour son côté cultivé et impertinent, mais, surtout, pour sa viande maturée à très basse température. Son secret ? L’équilibre sublimé de l’acidité. « La qualité et la quantité de gras intermusculaire sont fusionnées dans la chair, ce qui donne un pourcentage imbattable de maigre ». Depuis deux ans, celui qui a élevé la boucherie au rang de la gastronomie est revenu aux fondamentaux, fermant la plupart des restos qui portent son nom pour se consacrer à un nouveau concept : la Comfort food. Quésaco ? « Des produits en filière courte, locale et familiale, de saison tout en étant abordables ». Il a également ouvert un resto gastronomique à Nancy, Parcelle, à la place de l’ancien Cap Marine, avec des menus à l’aveugle qui cartonnent, évidemment. Car tout ce qu’il touche ou presque se transforme en or.