Cinéma : Le Comte de Monte-Cristo, de Matthieu Delaporte et Alexandre de La Patellière avec Pierre Niney

Le Comte de Monte-Cristo, de Matthieu Delaporte et Alexandre de La Patellière avec Pierre Niney, Anaïs Demoustier, Laurent Lafitte est à l'affiche en ce moment au cinéma. Un film à ne pas manquer ?

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Le Comte de Monte-Cristo, de Matthieu Delaporte et Alexandre de La Patellière avec Pierre Niney, Anaïs Demoustier, Laurent Lafitte est à l’affiche en ce moment au cinéma. Un film à ne pas manquer ? En 2023, Martin Bourboulon (Eiffel, 2021) avait mis dans le mille avec Les Trois Mousquetaires d’Alexandre Dumas, adroitement scénarisés par Matthieu Delaporte et Alexandre de La Patellière (Le Prénom, 2012) qui récidivent avec bonheur. Ils adaptent, dialoguent et filment Le Comte de Monte-Cristo, cette autre œuvre essentielle du grand romancier qui tutoie Walter Scott et Honoré de Balzac. Épaulé par l’efficace producteur qu’est Dimitri Rassam, notre duo de cinéastes a copieusement réduit la pulpe romanesque de l’ouvrage dumasien (plus de 1500 pages en Folio Classique !), supprimé quelques personnages, peaufiné les dialogues et densifié la veine tragique. Déjà adapté près de dix fois au cinéma et à la télévision, on ne divulgâchera rien en rappelant qu’au début du récit, nous sommes à Marseille en 1815 avec Edmond Dantès qui a juste 22 ans. C’est un brillant officier de marine marchande sans histoire qui s’apprête à épouser la belle Mercédès. Les opportunistes et très jaloux Danglars et Morcerf qui ne sont que faux-amis montent un complot, font passer Dantès pour un activiste bonapartiste et le précipitent dans les cachots du château d’If au large de Marseille. Dantès y croupit durant 14 ans, rencontre le vieil abbé Faria qui lui lègue sa fortune puis il s’évade, revient à Marseille, monte à Paris avec une seule obsession : se venger coûte que coûte et, tout en usant de pseudonymes et de déguisements, liquider ses traîtres ainsi que le fourbe procureur Villefort qui l’a expédié au bagne. Comme dans le roman, les deux réalisateurs affilent les aspects obscurs de Dantès, ses secrets les moins transparents, son insondable mélancolie et son apparent angélisme qui ne fait qu’avantager sa part la plus diabolique. Pierre Niney en fait son affaire, il nous offre sa plus belle performance de comédien (depuis qu’il a été violemment lancé sur le « marché » des acteurs de cinéma…) et nous fait presque oublier le plus physique Jean Marais qui fut un prodigieux Dantès chez l’oublié réalisateur Robert Vernay en 1954. Pierre Niney, étonnamment immergé dans la tonique fluidité du film, est épaulé par une magnifique troupe d’acteurs dans laquelle brillent plus particulièrement Anaïs Demoustier (Mercédès), Bastien Bouillon (repéré dès les années 2000 et définitivement adopté comme très-grand-acteur en 2022 avec La Nuit du 12 de Dominik Moll) qui campe un traître contrarié avec beaucoup d’ironie voilée et l’ex-Comédien-français Laurent Lafitte qui est parfait en pitoyable procureur jouisseur. Ce Comte de Monte-Cristo n’a rien du gros blockbuster gaulois comme le supputent certains prescripteurs non patentés des réseaux asociaux. C’est juste un savoureux film, intelligemment populaire et finement ouvragé. Bref, du vrai cinéma d’auteur sans afféterie auteuriste et juste deux petits bémols : la musique tonitruante de Jérôme Rebotier et l’imprécision du contexte politique (la Restauration monarchiste après l’Empire napoléonien).

Fernand-Joseph Meyer (clp)