
Les deux coprésidentes du prix, la Professeur des Universités en Sciences de l’Information et de la Communication Carole Bisenius-Penin et la lauréate de la précédente édition Mariette Navarro, ont toutes deux souligné leur joie de voir une fiction récompensée. L’autrice et dramaturge primée en 2022 pour son roman Ultramarins (Éd. Quidam) l’a notamment trouvée « très audacieuse et intéressante en termes d’écriture comme défis ». Le jury, quant à lui, s’est scindé en deux groupes distincts : l’un totalement convaincu par la force narrative de l’ouvrage, l’autre moins sensible à son lyrisme et déçu par une fin jugée convenue.
Frontières psychiques
« Je marche sur un fil. Je suis le funambule sur le fil tendu au-dessus des abysses de la mémoire. » Une phrase, une seule, pour embrasser tout l’intérêt poétique et la complexité de Bleu nuit. Dans le détail, le roman s’ouvre sur un long monologue du narrateur, terrassé par un deuil impossible. Enfermé depuis des années dans le même appartement, il prend la décision de jeter ses clefs dans le caniveau pour commencer une vie d’errance. Le seul moyen, selon lui, d’apaiser son esprit tourmenté. Dans un périmètre bien délimité autour du cimetière du Père-Lachaise, il change d’emplacement tous les soirs et rythme son récit au gré des rencontres avec d’autres laissés-pour-compte. Sa vie de bohème se retrouve vite contrariée par ses traumatismes refoulés mais aussi par l’alcool et la drogue. « Son livre offre parmi la sélection la stratification la plus élaborée de la frontière, qu’elle soit psychique ou géographique, décrypte Carole Bisenius-Penin. C’est une véritable cartographie de l’intime d’un homme qui se perd. » Dima Abdallah dévoile en effet un texte hybride et sensible sur l’exil, la souffrance et le souvenir. Le choix du monologue, normalement dédié au théâtre, se révèle très pertinent et permet de poser la question de l’être et du devenir dans nos sociétés violentes. « Une interrogation définitivement humaniste », conclut Carole Bisenius-Penin.