Le portrait de La Semaine. Sébastien Laudenbach : des pinceaux au César

Des élèves du lycée Georges de la Tour, à Metz, ont eu la chance, avant les vacances de Noël, de pouvoir rencontrer le réalisateur Sébastien Laudenbach. Ce dernier a évoqué son parcours, lui qui a été sur les mêmes bancs qu’eux, il y a quelques décennies. Rencontre avec un passionné de l’art.

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Le réalisateur Sébastien Laudenbach a passé une partie de son adolescence à Metz. Il y a forgé sa passion du dessin.
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Quand nous rencontrons Sébastien Laudenbach, il a face à lui une bonne quarantaine de paires d’yeux qui le regardent. Une situation que l’on ne devine pas simple pour lui. Et qu’il confirme vite : « C’est un peu impressionnant d’être là… Peut-être plus que d’être à l’Olympia pour recevoir un César ». Rencontrer des jeunes n’est pourtant pas un exercice inconnu pour le réalisateur, qui intervient depuis une vingtaine d’années à l’école nationale des Arts décoratifs pour enseigner le cinéma d’animation. École où il a lui-même appris le métier d’ailleurs. Mais il est toujours moins aisé de parler de soi. Surtout quand on retourne dans son propre lycée. Le réalisateur Sébastien Laudenbach revenait à Metz le 18 décembre dernier présenter son travail et son parcours au lycée Georges de la Tour, dans le cadre d’une opération baptisée Un César à l’école.

Le réalisateur de Linda veut du Poulet, César du film d'animation 2024, est venu présenter sa récompense en décembre aux lycéens de Georges-de-la-Tour
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Tout est dans le titre : le lauréat d’un César de cinéma retourne dans son ancien établissement scolaire pour évoquer sa carrière. Un retour aux sources : « J’ai fait tout mon lycée ici, j’ai vécu quatre ans à Metz, après avoir fait mon collège à Poitiers. Je suis un déraciné. » C’est ici, à Metz, que le lycéen développe une passion pour le dessin qui deviendra son métier, jusqu’à la récente consécration : le César du meilleur film d’animation en 2024 pour Linda veut du poulet, co-réalisé avec Chiara Malta.

Au fil des expériences

L’occasion pour lui de revenir sur son arrivée en Lorraine, « dans cette ville qu’il ne connaît pas ». « Arriver dans la cour du lycée, c’est toujours un moment délicat, surtout quand on ne connaît personne. Et puis les années lycées sont des années géniales. On oublie les mauvais souvenirs pour ne garder que les bons ». Car c’est à Metz que l’artiste se forge. « Il s’est passé quelque chose d’important ici. Je dessine depuis toujours. Tous les enfants le font, mais c’est une activité qui se perd, se maintient ou se transforme. Dessiner, c’est représenter le monde, mais on peut aussi le faire autrement, on peut se mettre à filmer, écrire, raconter des histoires, faire de la photo. J’étais un lecteur de bande dessinée, ça a été un moteur pour moi ». En terminale, une expérience théâtrale le conduit à travailler avec une compagnie de marionnettes messine, le Théâtre de Marionnettes de Metz : « C’était dingue. Je me suis posé la question de faire de la marionnette et me suis demandé si je ne m’inscrirais pas à l’Institut international de la Marionnette à Charleville-Mézières. Mais le timing n’était pas bon, on ne pouvait alors passer le concours que tous les trois ans ». Une autre expérience forge le dessinateur en herbe : après le lycée Georges de la Tour, pendant son année de fac à Metz, il dessine les costumes d’un spectacle pour une troupe de théâtre. Une expérience qui lui permettra plus tard d’intégrer l’école des arts décoratifs à Paris. « J’ai passé l’oral costumé, avec deux autres personnes, qui portaient mes costumes pour présenter mon travail. Cela a plu, j’ai pu intégrer l’école ».

Un journal intime en film d’animation

N’allez pas parler de talent à Sébastien Laudenbach. « Je parle plutôt de désir : s’il est réel, sincère, on travaille, on fait les choses bien et on avance », estime-t-il. Mais surtout, il met en avant autant les « rencontres » et les « hasards » qui peuvent conditionner une vie.

« Mon film de fin d’études était un journal intime en animation, j’y ajoutais chaque jour quelque chose. »

Sébastien Laudenbach, réalisateur

Un exemple ? « À l’école des arts décoratifs, plusieurs étudiants ont milité pour la création d’une section animation. J’étais délégué des élèves, je les ai accompagnés dans la démarche. Et au moment de choisir ma spécialité, je me suis tourné vers l’animation. Sans l’avoir désiré plus que ça auparavant ». Désormais étudiant en cinéma d’animation, Sébastien Laudenbach travaille à son film de fin d’études, baptisé Journal : « Il n’avait pas de story-board, pas de scénario. J’étais très libre. C’était un journal intime en animation, j’y ajoutais chaque jour quelque chose. Il a été montré dans un bar qui organisait des projections. Dans la salle se trouvaient un producteur et une attachée de presse. Ils m’ont accompagné et ont fait que ce film a pu aller dans des festivals, à Annecy [au festival du film d’animation], Clermont-Ferrand [festival international du court-métrage], mais aussi à New York, Montréal… Depuis, je n’ai jamais cherché de travail ».

« Ce sont les rencontres qui sont les plus importantes, plus que le César. »

Sébastien Laudenbach, réalisateur

Sébastien Laudenbach s’interrompt. « J’ai oublié de vous montrer quelque chose », lance-t-il à l’assistance, sortant un César d’un totebag. Effet garanti. Mais il insiste : « Ce sont les rencontres qui sont les plus importantes, plus que le César. Ce n’est pas une consécration, c’est un signal qui dit ce que vous avez fait, cela nous a plu, ça a une valeur ».

Revenir des années plus tard à Metz est un plaisir pour le cinéaste, qui avait déjà fait cette expérience du retour au lycée en 2019. Il n’attendra pas son prochain long-métrage, une « adaptation libre de Carmen, avec Camélia Jordana, qui s’appellera Prends garde à toi », pour revenir en Lorraine, cette fois : « Je reviens en février 2025 pour présenter pendant un festival Linda veut du Poulet ». Le retour aux sources a du bon.

Ses bons plans

Son film en 2024

« La Bête est un des films qui m’a le plus marqué cette année. Anora m’a beaucoup plu aussi. Je ne sais pas si c’est une bonne Palme d’Or, la question ne m’effleure pas beaucoup, le personnage est très sensible, me plaît beaucoup, et c’est ce qui me séduit le plus dans un film. »

Sa BD fétiche

« Il y en a tellement qui m’ont bouleversé à différents âges ! Cela va de Tintin quand j’avais 7 ans à certaines BD de Joann Sfar quand j’en avais 22. Chris Ware est sans doute l’auteur qui m’a le plus retourné la tête. »

L’artiste qui a le plus compté

« Le réalisateur Norman McLaren est important pour moi. J’aime beaucoup les films de Isao Takahata, le collègue de Miyazaki au studio Ghibli, mais aussi Pierre Bonnard, Maurice Denis, des peintres que j’ai découvert assez tard… Et Georges de la Tour (rires). »

Son quartier de Metz

« J’habitais au Sablon. C’est une ville qui est petite, où on peut faire beaucoup de choses à pied, je me suis rendu compte en revenant que je marchais beaucoup. J’étais beaucoup dans ce quartier, entre Sainte-Thérèse, les deux Georges, la vieille ville… J’ai toujours plaisir à revenir ici, c’est une belle ville. »

David Leduc