Le billet de Pierre Taribo. Gouvernement Bayrou : un climat sarcastique 

Quelles conclusions doit-on tirer de l'annonce de la composition du gouvernement Bayrou, et du retour de deux Premiers ministres aux affaires (Manuel Valls et Élisabeth Borne) ? L'analyse de Pierre Taribo. 

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François Bayrou voulait des poids lourds pour l’épauler dans sa mission. Il est parvenu à rallier à sa cause deux anciens premiers ministres rompus à l’exercice du pouvoir, ainsi que des personnalités comme Gérald Darmanin, Bruno Retailleau et François Rebsamen. Il souhaitait un gouvernement resserré, c’est raté. Avec trente-six ministres, les palais nationaux sont toujours aussi encombrés. Il plaidait en faveur de l’union nationale pour affronter les difficultés dans un contexte particulier : absence de majorité, budget introuvable, mais son discours pour rassembler dans une même équipe des gens aux idées et aux valeurs opposées, n’a eu aucun écho. Surprenant ? Allons donc, qui pouvait croire que tendre les bras permettrait de faire sauter les blocages dans un pays qui n’est pas acclimaté aux grandes coalitions ? Que ces tentatives susciteraient autre chose que des sourires ironiques et des lazzis ? 

Tout est-il à jeter dans cette histoire qui devient de plus en plus lassante ? Après son laborieux dénouement, ce sont les regrets et la nostalgie qui émergent. Les regrets parce que toute chance de renouveau démocratique a été gaspillée. La nostalgie parce que la politique est faite aujourd’hui de plus de tactique à la petite semaine et de marchandages avec le Rassemblement national que de grandeur. 

On ne vogue plus, mais on cabote

De François Bayrou nous attendions non pas un talent d’enchanteur : voilà bien longtemps que la réalité gouvernementale n’a plus rien de féérique, mais une approche politique ambitieuse sur le fond et sur la forme pour affronter la houle démocratique. Dans cette traversée, il ne pouvait naviguer seul, mais quel équipage embarquer dès lors qu’Emmanuel Macron ne lâche pas la bride ; que la social-démocratie partagée entre ses envies d’autonomie vis-à-vis du Nouveau front populaire et les calculs électoraux- notamment en vue des élections municipales de 2026- qui l’enchaînent à la France insoumise, ne sait plus très bien d’où viennent les courants et le vent ; et que de toute façon personne n’a la recette pour donner vie et relief à un régime devenu plus parlementaire que présidentiel. Dès lors, on ne vogue plus mais on cabote. Pas très approprié pour s’attaquer à un projet difficile à mener qui implique en priorité un remodelage budgétaire. Sur ce point, François Bayrou, traité de haut par ceux qui raille sa méthode et prédise son échec, ne trouvera aucun allié actif et convaincu dans les rangs de la gauche hostile à toute conversion à la politique rigoureuse que cet adversaire acharné de la dette, juge inévitable. 

Le Premier ministre veut remettre en phase l’opinion amère, sceptique, désabusée et le pouvoir, il n’a pas renoncé à rétablir le dialogue avec les opposants et, peut-être, à leur arracher des compromis sur quelques sujets. Il sait que cela relève de l’exploit ou plutôt d’un idéal difficile à approcher. Alors, pour donner une signification et une direction à sa politique, François Bayrou qui entame son parcours à Matignon dans un climat sarcastique, va devoir faire preuve d’ingéniosité, d’opiniâtreté, de densité et, avant tout, d’efficacité. Vaste défi qui ne lui laisse aucun droit à l’erreur.