Débats

La carte blanche de la rédaction. Abbé Pierre : aider les pauvres, sans icône

Dans la carte blanche de la rédaction, notre journaliste David Leduc revient sur le scandale autour de l'abbé Pierre, accusé de plusieurs agressions sexuelles. Un rapport commandé par la Fondation Abbé Pierre, d’Emmaüs France et Emmaüs International, qui voulaient faire la lumière sur les agissements de leur fondateur.

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Par David Leduc
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© Fondation Abbé Pierre
Dans la carte blanche de la rédaction, notre journaliste David Leduc revient sur le scandale autour de l’abbé Pierre, accusé de plusieurs agressions sexuelles. Un rapport commandé par la Fondation Abbé Pierre, Emmaüs France et Emmaüs International, a fait la lumière sur les agissements de leur fondateur. La tentation est grande de voir une idole brûler, dans une société fort justement plus éveillée sur les notions de violences, d’agressions et de discriminations sexistes et sexuelles. Mais ne nous soumettons pas à la tentation. Car si le rapport mettant en lumière des faits qui peuvent s’apparenter à des agressions sexuelles ou du harcèlement sexuel, commis par l’abbé Pierre, peut sidérer tant l’homme était une personnalité appréciée des Français, la démarche de la Fondation Abbé Pierre, d’Emmaüs France et Emmaüs International est singulière. Ce sont elles qui ont sollicité un cabinet, spécialisé dans la lutte contre les discriminations et les violences sexistes, pour mettre en lumière les agissements de leur fondateur. Un acte de contrition indispensable et salutaire. Elles déclarent : « Nos organisations saluent le courage des personnes qui ont témoigné et permis, par leur parole, de mettre au jour ces réalités. Nous les croyons, nous savons que ces actes intolérables ont laissé des traces et nous nous tenons à leurs côtés. Ces révélations bouleversent nos structures, au sein desquelles la figure de l’abbé Pierre occupe une place majeure. […] Ces agissements changent profondément le regard que nous portons sur un homme connu avant tout pour son combat contre la pauvreté, la misère et l’exclusion. » Les trois associations ont raison : du courage, il en fallut, et il en faudra sans doute encore, pour que les victimes prennent la parole et témoignent. Il faut l’entendre, ce courage, et le soutenir.

L’action contre la pauvreté plus que jamais nécessaire

Si omerta il y a pu avoir par le passé – une personne entendue dans le cadre de l’enquête, proche d’Emmaüs, estime que « toute une génération [celle du début] savait que l’abbé Pierre dérapait », ajoutant : « Ce n’était pas un épiphénomène » – désormais, l’objectif est double pour Emmaüs et la Fondation Abbé Pierre : il faudra écouter les éventuels autres témoignages de victimes. Il leur faudra aussi se réinventer et faire acte de transparence, comme cela fut fait avec ce rapport, pour continuer à œuvrer contre la pauvreté et la misère. Car là est le piège caché derrière la tentation de brûler l’idole, et par là même, son action et sa mémoire : dans une France où la pauvreté ne cesse d’augmenter depuis les années 2000 (5,1 millions de pauvres si l’on fixe le seuil de pauvreté fixé à 50 % du niveau de vie médian ; 9,1 millions si l’on utilise le seuil de 60 %, selon l’Observation des inégalités), l’action d’Emmaüs et de la Fondation Abbé Pierre apparaît plus que jamais nécessaire.