Législatives : les joueurs de l'Equipe de France de football ont-ils raison de donner leur opinion politique ?

Avant le premier match des Bleus à l’Euro 2024 (victoire 1-0 contre l’Autriche), plusieurs joueurs de l’Equipe de France de football ont donné leur opinion politique, avant les élections législatives anticipées. Le capitaine Kylian Mbappé a d’ailleurs clairement montré son aversion « aux extrêmes » en conférence de presse. Les sportifs doivent-ils rester sur la touche, ou au contraire s’exprimer sur ce sujet ? Le nez de Kylian Mbappé sera-t-il comme celui de Cléopâtre avec une disproportion entre les causes et l’ampleur des conséquences sur les suites de l’Euro pour l’équipe de France ? Trop tôt pour l’affirmer, mais nous connaissons le camp où beaucoup vont dire que le capitaine des Bleus n’avait pas à le mettre sur un autre terrain que celui du football. Tape dans un ballon et tais-toi. Sous prétexte que leur job est de marquer des buts Kylian Mbappé, Marcus Thuram et les autres, ne devraient se poser aucune question ni donner leur sentiment sur la situation politique du pays. Gros compte en banque et conscience des enjeux digne de celle d’un poisson rouge : on connaît la chanson. Vieille rengaine, débat vain et absurde sur le sport qui ne devrait pas être contaminé par des considérations et des messages de cette nature. Le foot ne serait donc qu’un spectacle, un briseur de soucis qui apaise, volatilise les problèmes, évacue tout ce qui n’est pas directement sportif. À l’abri des discussions et des interrogations qui agitent la société, il confinerait les joueurs dans une bulle où toute analyse autre que purement technique, serait prohibée. En termes d’opinion, de pensée, de défense des valeurs, le sportif devrait rester sur la touche. C’est une hypocrisie et une hérésie. Pourquoi les familiers de l’exploit, ceux qui font vibrer les spectateurs, déclenchent des houles d’émotion, n’auraient rien à dire sur les raisons et les façons de vivre ensemble ? Leur idéal ne serait donc constitué que de salaires faramineux, de transferts juteux, d’audace balle au pied ou de gestes défensifs travaillés à l’entraînement, mais pour tout le reste, rideau et bouche cousue. Princes des pelouses, ne confondez pas la fabrication d’euphorie collective et « l’effort » en gueule. Fermez-la ! En soulignant que l’enjeu des élections législatives est plus important que le match d’ouverture de l’Euro, Kylian Mbappé s’est engagé beaucoup plus activement que ses prédécesseurs au capitanat, qui abordaient ces choses-là aussi avec les précautions imposées par la saisie d’un oursin à pleine main. Avec lui et d’autres dans son sillage, le mode d’emploi a changé. À tort, à raison ? Chacun fera son choix. C’est aussi – quoi qu’en disent ceux qui fustigent avec un brin de mépris les nouveaux directeurs de conscience, le signe que le libre arbitre reste au cœur de nos existences. D’autres, campant sur la même ligne, brandissent la tribune d’Ariane Mnouchkine parue sur le site du journal Libération où elle dit, « ne pas être certaine qu’une prise de parole collective des artistes soit utile ou productive, car une partie de nos concitoyens en ont marre de nous : marre de notre impuissance, de nos peurs, de notre narcissisme, de nos sectarismes, de nos dénis ». Là, nous sommes en pleine œuvre de frictions et d’interpellations : faut-il se montrer attentiste, rester mièvre, veiller à ne pas exacerber les tensions, se déresponsabiliser ou pointer son nez partout ? Nous revenons à l’appendice nasal du capitaine des Bleus dont l’état demande gestion prudente et intelligente. L’époque est morose. Ayons du flair pour l’affronter.