L’entraîneur de football a un statut précaire. Tous le savent, tous se sentent menacés à un moment ou un autre de leur carrière. Dominique Bijotat est dans cette tension depuis quelques semaines. Avant la victoire 1-0 face à Boulogne, vendredi 30 mars, le FC Metz n’avait pas gagné un match en 2012.
Comment avez-vécu l’ultimatum placé sur votre tête et publié dans la presse par Bernard Serin?
« Je n’avais pas besoin de le lire pour le savoir. Je me savais en danger. J’ai des discussions avec mon président. Il ne m’a pas mis devant le fait accompli. Il a utilisé des messages en interne qui n’ont pas porté leurs fruits. Il fallait chercher autre chose dans la stratégie. Cet ultimatum était une manière d’éveiller les esprits.Et ça a marché?
« Ca coïncide avec une victoire »Avez-vous déjà connu des situations aussi difficiles?
« La situation de l’année dernière était encore plus périlleuse. Sur un plan comptable, c’était plus grave. Nous avons passé toute la saison avec le feu aux fesses. Ce sentiment a constamment habité nos esprits. Là, c’est différent. Nous avons montré que nous pouvions rivaliser avec des équipes entre la 5e et la 10 place du classement. Et pourtant la période est plus dure. Parce que les gens ont changé ».Qui ? Le public ?
« Non le public correspond à ce qu’on lui donne. Il nous apporte sa présence même dans la difficulté ».De qui parlez-vous ?
« Des gens, de certaines personnes. Je n’en dirai pas plus ».Vous sentez-vous soutenu dans le club, par vos joueurs, par le staff, par la direction?
« Oui et cela me permet de continuer avec beaucoup de conviction. Si cela n’était pas le cas, je ne serai plus là. Je crois en ma force de persuasion. Qu’est-ce qui peut nous sortir de là? Le terrain. C’est le terrain qui détermine tout. Vendredi, nous avons été très costauds. Il y a eu un poil de réussite, ce n’était pas le match le plus abouti, loin de là ! Mais la tension et les émotions étaient intenses ».Pensez-vous qu’il existe des matches qui provoquent un tournant?
« Il y a des matches qui changent une saison. Ce fût le cas face à Evian. La défaite nous a mis le doute. On domine une équipe de Ligue 1 mais au bout du compte, on ne fait pas les bons choix. Derrière, il y a eu Bastia et … tout le reste ».Votre équipe est-elle trop fragile?
« Elle n’a pas de marge. La technique et la tactique sont apportées à 90% par le staff, les 10% restant sont une histoire d’encouragements, d’émulation, de réussite. La jeunesse amène tellement de choses positives mais il y a le revers de la médaille : un manque de stabilité dans les moments importants. Il ne faut pas dire Bijotat, c’est un nul. Il faut également se souvenir des difficultés du club. Quand je suis arrivé, j’ai perdu Rocchi, Borbiconi et Moktari. Parmi les jeunes du groupe de départ, sept ne jouent même pas en CFA. Si on fait le compte, sur l’année 2011, nous avons engrangé 55 points, ce qui équivant à une 5e place. Bien sûr, depuis le début de l’année, ce n’est plus la même histoire. Et je sais que les gens ont la mémoire courte ».Votre système de jeu a souvent été remis en cause. Comprenez-vous ces critiques?
« 18 équipes de Ligue 1 jouent avec ce système, 17 de Ligue 2. Je n’ai rien inventé. C’est le système qui nous convient le mieux.Par contre, si on me demande : « si tu avais les joueurs que tu souhaites, utiliserais-tu le même système, je réponds non ».Comment abordez-vous cette semaine?
« Nous avons commencé par une mise au vert à Amnéville, histoire de changer un peu et remobiliser tout le monde. Il ne faudrait surtout pas faire l’erreur de croire que ça y est. Le vrai rebond, nous l’aurons quand on pourra enchaîner. »Quelle peut être la clé ?
« Ne pas paniquer, ne pas se crisper. Il y aura des jours comme vendredi où ça ira bien et d’autres où cela sera plus dur. C’est là qu’il faudra être costaud ».Durant cette longue période sans victoire, vous êtes-vous senti dans une impasse?
« Non, jattendais une bonne expression de la part de mes cadres et je ne l’ai pas trouvée chez tout le monde. Je ne l’ai pas encore retrouvée chez tous ».Mathieu Duhamel fait partie de ces joueurs en dedans.
« Il est moins efficace, c’est vrai. Il faut le soutenir. Dans notre équipe, le souci est qu’il y a un buteur mais personne derrière capable de le remplacer ».Vous sentez-vous sur un siège éjectable ?
« Dans le bureau d’un entraîneur, il y a des cartons… avec des roulettes. Je n’ai jamais eu dans l’esprit de m’installer. »Si vous deviez quitter votre poste avant la fin de la saison, quel serait votre sentiment?
« J’aurais beaucoup de regrets. Mais ma situation ne me préoccupe pas. Ce club doit rester en Ligue 2. C’est mon unique priorité ».Cet article est paru le 5 avril dans l’hebdomadaire La Semaine n° 366. Pour lire le journal dès sa parution, abonnez-vous !