Dominique Hennequin, journaliste d'aujourd'hui

Dominique Hennequin est un réalisateur-producteur de documentaires qui privilégie avant tout l'humain, sans se dire pour autant militant. Il travaille aussi pour de grandes chaînes de télévision françaises. Un reportage passionnant sur l'Irak est à voir sur publicsenat.fr, la chaîne dédiée au Sénat : « La paix ou le chaos ». Ses pas vont le conduire la semaine prochaine en Nouvelle-Calédonie, en Guadeloupe puis en Chine. Rencontre avec un globe-trotter infatigable qui vit à Metz.

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Dominique Hennequin est un réalisateur-producteur de documentaires qui privilégie avant tout l’humain, sans se dire pour autant militant. Il travaille aussi pour de grandes chaînes de télévision françaises. Un reportage passionnant sur l’Irak est à voir sur publicsenat.fr, la chaîne dédiée au Sénat : « La paix ou le chaos ». Ses pas vont le conduire la semaine prochaine en Nouvelle-Calédonie, en Guadeloupe puis en Chine. Rencontre avec un globe-trotter infatigable qui vit à Metz.

Etre journaliste en 2011, c’est quoi ?

Pour moi ce n’est pas différent d’ il y a 20 ans. J’ai toujours envie d’aller voir, rencontrer, partager. Ce qui a changé, ce sont les outils. Ils ont évolué vers une info à deux vitesses : l’info ultra rapide, instantanée, jetable qui fait qu’une info chasse l’autre. C’est l’info BFM TV. Et puis de l’autre côté, il y a l’info de fond, d’enquête, celle qui prend son temps. Le fossé entre les deux continue de se creuser. Après avoir fait de l’info quotidienne, ce qui m’intéresse, c’est l’enquête de fond. Par ex., sur Google, il y a des piles d’actu sur l’Irak. Aujourd’hui, qui parle encore de l’Irak ? Moi ça m’intéresse d’y retourner, de retrouver les gens que j’avais rencontrés, de savoir ce qu’ils sont devenus, huit ans après. Le grand luxe aujourd’hui, c’est de prendre le temps.

Des médias objectifs, ça existe ?

(Il rit.)Je ne crois pas à l’objectivité, mais à la sincérité, à l’honnêteté. Pour mon enquête sur l’uranium, il a bien fallu aller voir aussi Areva pour que l’enquête soit crédible. Ce n’était pas un travail militant. Je ne veux pas que mon film soit récupéré par des militants d’un bord ou l’autre, même si j’ai mes propres idées sur la question.

Vos témoignages sont-il un moyen de faire évoluer les choses?

Bien sûr, mais ça reste modeste. On ne change pas le monde, on apporte un questionnement. Ce qui est important, ce n’est pas la diffusion, mais le reportage, le débat, le fait que les gens se posent des questions. Mes films sur l’uranium ou sur l’huile de palme ont interpellé les gens.

Une caméra est-elle une arme offensive ou défensive ?

Les deux. Mais aujourd’hui, on devient plus souvent une cible derrière une caméra, alors qu’il y a 20 ans on était protégé. Dans certains pays on est ciblé immédiatement, ce n’est pas anodin de sortir une caméra. Tout le monde invoque son « droit à l’image » comme dans un feuilleton américain.

Avez-vous déjà été agressé dans l’exercice de votre profession ?

J’ai déjà perçu des tensions, été victime d’agressions verbales, mais jamais physiques. Je fais tout pour ne pas provoquer. Si je sens que c’est tendu, je m’en vais. Il n’y a aucun intérêt à prendre des risques pour rien. En Irak, on s’est faits très discrets. On a senti des regards très appuyés, c’était très fort physiquement. Il faut dire que nous étions les seuls Européens à Bagdad depuis plusieurs années. Nous avions des gardes du corps, très discrets, mais très présents, d’anciens militaires. La présence de gardes du corps rassure, apaise. Nous mais aussi nos familles. Ces hommes ne sont pas là que pour sortir leur flingue, mais surtout pour « sentir les choses. » S’ils disent : « on s’en va ! » on s’en va tout de suite, même si l’on ne sait pas pourquoi.

Journaliste, c’est une vocation pour vous ?( Il sourit largement.)

Oui ! Depuis toujours ! J’ai commencé par faire de la radio dans ma chambre, tout gamin. J’interviewais mes frères et soeurs, mes cousins, cousines qui en avaient ras-le-bol. Je suis étonné aujourd’hui quand j’entends des ados dire qu’ils ne savent pas ce qu’ils veulent faire après le bac. Il n’y avait pas de journalistes dans la famille, mais un terreau culturel bien riche. J’ai fait une fac d’info-comm pour faire quelque chose, mais je n’aimais ni l’école ni la fac. Je n’ai apprécié les études qu’à partir de ma maîtrise… (Il réfléchit, hésite, puis…) L’école a été un moteur dans la contradiction.

Etes-vous un journaliste d’investigation ?

Non, je suis un généraliste, ce qui ne plaît pas toujours, car on aime bien mettre les gens dans des cases. J’ai bossé aussi pour des émissions « alimentaires » comme « Chasseurs de trésor » sur TF1. Je ne fais pas que des reportages d’enquête et je le revendique.

Cet article est paru le 14 avril dans l’hebdomadaire La Semaine n° 316. Pour lire le journal dès sa parution, abonnez-vous