Rilchingen-Hanweiler, c’est une commune allemande. C’est aussi un peu Sarreguemines, située à trois minutes d’elle côté français. En septembre, les thermes du Land de Sarre y ouvriront leurs portes, sur un vallon de la réserve de Bliesgau. Une eau thermale s’écoulera dans ses grands bassins bleu.
« Comme un aimant »
Il aura quand même mis du temps à sortir de terre : l’idée de thermes dans cette partie de l’Allemagne franchement frontalière date de… 1989. A l’époque, le maire de Kleinblittersdorf tente l’aventure mais échoue, faute de renforts. Andreas Schauer les obtient vingt ans plus tard, grâce à une vision : réaliser un complexe tourné vers la santé et le bien-être dans ce bassin de vie de plus d’un million d’habitants, à travers un « partenariat privé et public » (PPP). En clair, il s’entoure d’actionnaires publics – l’Agglo de Sarreguemines, ou encore la ville de Kleinblittersdorf – pour mener son projet, et porte tous les risques financiers. Le contrat est signé entre toutes les parties au mois de mai 2009, l’ouverture des thermes prévue le 2 septembre à 9h tapantes. « Je recevrai le premier client personnellement, avec un bouquet de fleurs », lance Andras Schauer, traduit de l’allemand par l’une de ses collaboratrices. Qui dit « complexe de santé », dit richesse de la demande. Les thermes, sur le point d’être achevés, ne constituent vraisemblablement que la face émergée de l’iceberg : « Ils agiront comme un aimant, pour attirer d’autres structures. A commencer par un centre de remise en forme, voire un hôtel », avance Andreas Schauer.Château hispanisant
Pour l’heure, le gros œuvre des « Saarland Therme » vient de se terminer. L’imposant bâtiment en briques rouges, sorte de luxueux château hispanisant, surplombe une colline nue située entre la forêt et les dernières habitations d’une rue de Rilchingen-Hanweiler. A l’intérieur, le hall principal baigne dans un vaste bassin thermal encore à sec, où de rares ouvriers cognent sur des planches et perforent le béton. La visite du bâtiment en chantier donne presque le mal de mer : il faut enjamber des tiges métalliques déposées sur le sol, prendre garde à ne pas chavirer sur un carrelage tanguant et surtout suivre au pas de course le maître des lieux, Andreas Schauer, qui s’aventure dans des pièces sans lumière comme s’il y voyait parfaitement.Au-delà de la traduction française de chacune de ses prises de parole, l’absence de frontière éclate dans chaque nouvelle pièce découverte : bains arabes, pavillon de thé mauresque, foyers au feu de bois à tendance suédoise, les thermes révèlent un conglomérat d’inspirations esthétiques à l’ambiance profondément méditerranéenne.
L’eau thermale soigne, naturellement, mais la structure d’un étage surmontée d’une terrasse de 1 000 mètres carrés reste avant tout axée sur le bien-être : sauna aux herbes, spa privé avec hammam, couloir d’eau à contre-courant, piscine de relaxation à 36 degrés, lounge chicha… les installations ont pour vocation la détente, sur quelques heures, une journée ou un week-end, plus qu’une cure thermale de trois semaines.
Thermo-ludisme
Du loisir, pour adultes : aucune réduction à l’attention des enfants ou des familles n’est à l’ordre du jour, aux côtés des forfaits « journée » (à partir de 22,50 euros), « 4 heures » ou « 2 heures ». Cette philosophie orientée vers le court séjour crée la seule frontière visible de ces thermes, en direction des plus jeunes et de l’offre thermale la plus proche de Sarreguemines : la ville alsacienne de Niederbronn-les-Bains, à une cinquantaine de minutes en voiture. « Leurs produits diffèrent des nôtres : ils auront des saunas, des hammams pour les gens qui veulent se détendre l’espace de quelques heures ou d’une journée. Chez nous, l’esprit est avant tout thérapeutique et axé sur de longues cures de trois semaines, en grande partie remboursées par la Sécurité sociale », explique Nathalie Vani, responsable des thermes de Niederbronn-les-Bains et de Morsbronn-les-Bains, juste à côté.Là où l’arrivée des « Saarland Therme » risque de faire concurrence, c’est sur le pan « thermo-ludique » développé depuis l’année dernière par les deux villes alsaciennes, et présent depuis longtemps à Amnéville-les-Thermes, à un peu plus d’une heure de trajet. « Plus qu’une concurrence, l’arrivée de ce site nous stimule, nous pousse vers l’excellence », assure Bertrand Morette, directeur d’exploitation du pôle thermal d’Amnéville. « Nous sommes là depuis 26 ans et restons confiants sur la qualité de nos produits. Nous n’avons pas peur. » Les Est-Mosellans et les Sarrois friands de soins à la carte auront désormais à choisir entre les 50 minutes qui les séparent de l’Alsace bossue ou d’Amnéville, et les trois qui les amènent à leur frontière commune, sur ce « morceau d’Europe » de Rilchingen-Hanweiler.
Cet article est paru le 26 avril dans l’hebdomadaire La Semaine n° 369. Pour lire le journal dès sa parution, abonnez-vous !