

Quelle vision avez-vous des 100 jours ?
Laurent Hénart : On a l’impression que les 100 jours se font loin des Nancéiennes et des Nancéiens. D’abord, je trouve le maire éloigné des préoccupations qu’ont les gens devant la crise sanitaire de la Covid-19 et de son impact économique et social. On sait que nous sommes confrontés à une reprise épidémique partout, y compris à Nancy et en Meurthe-et-Moselle. Dès juillet, on aurait dû préparer la rentrée, gérer les affaires de stocks de masques. Quand l’arrêté a été pris du port obligatoire du masque sur une petite partie de la commune, il a fallu que j’intervienne pour dire: s’il y a port obligatoire, il faut qu’il y ait des stocks et qu’on s’assure que la population a des masques. Ce sont des choses qui auraient dû être réglées dès juillet avec des stocks permanents à l’échelle du Grand Nancy et pourquoi pas un accord cadre avec les fabricants de la région Grand Est. Je pense qu’on a les moyens d’être exemplaire à Nancy sur le dépistage des tests parce qu’entre le labo du CHRU qui est l’un des plus gros laboratoires français et puis les laboratoires privés (d’ailleurs on a fait des premières nationales au printemps dernier), on devrait avoir un programme exemplaire sur ce sujet-là. Je rappelle que lorsque j’étais maire, je réunissais une semaine sur deux l’ensemble des acteurs de santé : les ordres, les responsables de l’hospitalisation publique et privée avec l’Agence régionale de santé. On réunissait aussi toutes les deux semaines l’ensemble des acteurs économiques : consulaires, organisations d’employeurs, mais aussi les associations de commerçants et ça permettait de prendre des initiatives, d’adapter les choses, de regarder comment on pouvait répondre aux besoins. Je prends deux exemples concrets : quand on a fait le dépistage systématique dans les maisons de retraite et la campagne de consultations à domicile que nous avons organisée pour les seniors, on l’a fait en lien avec les ordres et en partenariat avec le CHRU. Quand on a pris les mesures de soutien au commerce, je pense au stationnement gratuit pour les clients des commerçants, et les samedis à 2 euros, on a conçu ces mesures et on les a mises en place avec les commerçants. Il y a vraiment besoin d’un pilotage de crise.Ce contenu n'est pas visible à cause du paramétrage de vos cookies.
Paramétrer mes cookiesSelon vous, il n’y a pas de pilote à l’Hôtel de ville ?
C’est évident que la mairie et la Métropole ne peuvent pas tout, en revanche il leur revient de réunir, de fédérer, d’impulser, d’initier, d’innover et de dégager une volonté commune. Je crois que les Nancéiens sont attentifs à tout ça comme tous les habitants du pays.Rien de tout ce que vous dites n’est fait ?
On a énormément de paroles, beaucoup de déclarations et trop peu d’actes concrets.Vous avez des exemples en tête ?
On nous avait annoncé un nouveau réseau de transports pour la rentrée, c’était dans les promesses des 100 jours. Finalement on ouvre un débat sur les transports. La gratuité avait été évoquée dès l’été: on est passé par un groupe de travail qui réfléchit sur ce sujet mais qui finalement n’est pas écouté puisque la gratuité commencera en décembre. Là aussi, on est sur quelque chose de très chaotique. Les deux seules mesures concrètes qu’on a eu aujourd’hui, c’est les élus de la majorité qui augmentent leurs crédits de 20% et puis les bons d’achat dont on connaît la mise en œuvre mitigée. On est très en dessous des objectifs qui avaient été fixés par la majorité. On est surtout sur quelque chose qui ne profite pas aux petits commerçants, contrairement aux mesures que nous avions prises. Contrairement aussi à la proposition qu’on fait de lier taxation des friches commerciales et allègement de taxe foncière pour les petits commerces de moins de 400 mètres carrés. Ce que la loi permet. Quand on regarde ce qui a été effectivement engagé, cela se résume à l’augmentation des élus et aux bons d’achat.Il y a aussi l’assemblée citoyenne…
Pour l’instant, on délibère…Elle s’est réunie une première fois.
Elle a été installée mais à la rigueur je dirai que ça paraît normal de commencer un mandat par un temps de concertation. Nous l’avions fait en 2014, cela se refait en 2020. Cela s’appelait Nancy en mouvement en 2014, c’est l’assemblée citoyenne en 2020. C’est d’autant plus nécessaire que l’abstention a été massive lors de la dernière élection municipale. On a besoin d’impliquer le plus possible les habitants. Il ne faut pas que l’assemblée citoyenne serve de cache-misère. Les concertations qui ont été lancées jusqu’à présent sont quand même des concertations en trompe-l’œil. On a évoqué la gratuité et le groupe de travail mis en place : finalement on a appris par le journal que ce serait gratuit les samedis et les dimanches à partir de décembre. Dont acte. Les commerçants me parlent de la piétonnisation dont on connaît déjà le résultat. On a les rues et les années. Alors qu’on pouvait mettre sur la table plusieurs scénarii. Il y a d’autres rues que la rue des Dominicains et la rue Gambetta au centre-ville, dont certaines pour lesquelles on pourrait se dire : c’est le moment de les rénover, c’est le moment de les embellir, de les réaménager et donc d’avoir un changement d’usage. Je pense par exemple à la rue Saint-Dizier. Il y a une réflexion à avoir sur le centre-ville. On pourrait imaginer plusieurs scénarii et discuter avec les habitants et les commerçants. Ça donnerait un vrai sujet et de la substance à la concertation.
Qu’est-ce qui change par rapport à votre début de mandat en 2014 ?
Je n’ai pas les yeux dans le rétroviseur, je regarde l’avenir. On pourrait se dire que lorsque on est arrivé, on a fait un plan d’économie, on a réduit de 10 % les indemnités des élus pour être exemplaires alors qu’il y avait une baisse des dotations de l’État. On avait fait Nancy en Mouvement : six mois de réunions, de tables rondes, de forums. Il y avait eu plus de 200 événements différents en six mois. Nous avions, en réunion ou à l’aide de contributions écrites et numériques, touché 8 000 Nancéiens et Grands Nancéiens pendant cette séquence. Mais les choses ne sont pas les mêmes. En six ans, la ville a beaucoup changé et puis les défis sont différents. Au début du mandat précédent, c’était la baisse des dotations et le terrorisme. Hélas le terrorisme est toujours là, le drame survenu dans le Val d’Oise le montre et nous sommes en plein épisode épidémique. Le début de ce mandat ne peut pas être le même qu’en 2014. Je retiens simplement le besoin d’avoir un vrai pilote dans l’avion de la gestion de crise. On est beaucoup en relais de ce que font l’État, la Région. On a l’impression d’un coup par coup, alors qu’il faut une gestion régulière. Ça m’a été reproché mais au moins pendant le confinement, tous les jours, il y avait une information aux habitants. A partir du déconfinement, il y avait un point hebdomadaire d’information des citoyens, qui ne coûte rien à la collectivité. La technologie permet de faire les choses très simplement. On prenait des décisions, des initiatives, on gérait des opérations de soutiens aux commerçants, aux artisans. La priorité des priorités ce doit être celle-là. Et puis quand on fait une concertation, on fait une vraie concertation. Sinon on assume qu’on décide seul mais il ne faut pas travestir les choses.Pour le commerce en dehors des bons d’achat, comment percevez-vous le travail engagé ? Y a-t-il une prise en main de ce dossier alors que durant votre mandat il vous a été reproché de ne pas faire ce qu’il fallait pour le commerce ?
Ce que je constate pour l’instant, c’est que si on neutralise les bons d’achat… qui se neutralisent d’eux-mêmes et ne décollent pas, les outils utilisés par la municipalité sont ceux que nous avons mis en place : les samedis à 2 euros, les after à 1 euro, le stationnement gratuit pour les clients des commerçants, les animations d’été, la dynamisation par les villages de Saint-Nicolas, la Sem Nancy Defi qui est reprise et j’en suis très heureux, par la nouvelle majorité. C’est aussi la taxation des commerces vacants que nous avons décidée en 2019 en même temps que la Sem puisque ça allait de pair, le partenariat avec les Vitrines, avec les associations de commerçants qui est, à mon avis, quelque chose de fondamental. On n’a pas toutes les bonnes idées tout seul, et de ce point de vue-là, il manque la régularité et l’implication personnelle du maire qui me paraît nécessaire. Après j’ai quelques alertes, il ne faut pas oublier le petit commerce, on le voit avec les bons d’achat, ce sont les grandes enseignes qui en profitent. Alors elles ont besoin d’être soutenues, ce n’est pas simple pour elles aussi, mais il ne faut pas oublier le petit commerce indépendant. C’est pour ça qu’on propose cet allègement de la taxe foncière qui est possible depuis 2019 dans la loi et que nous nous étions engagés à faire en même temps que la taxation des commerces vacants. C’est un allègement de 15 % de la taxe foncière pour les commerces de moins de 400 mètres carrés.
En matière de sécurité le maire, après les fusillades en centre-ville, demande des effectifs supplémentaires pour la police nationale. Vous l’approuvez ?
C’est un combat légitime. Je rappelle qu’on avait obtenu des effectifs de police supplémentaires de Gérard Collomb à l’époque et que ça n’était pas suffisant pour couvrir les besoins, pas seulement du point de vue de l’extension du commissariat central boulevard Lobau selon les syndicats mais aussi quand on discute concrètement sécurité-îlotage. Je rappelle aussi que j’avais obtenu du ministère de l’Intérieur la cession d’une partie de l’hôpital Saint-Julien à la police nationale. Mais le maire est d’autant plus légitime à demander des effectifs qu’il est exemplaire. Donc, à un moment donné, supprimer la police municipale la nuit, est-ce que c’est la bonne solution, si on veut un partenariat fort avec la police nationale ? Multiplier les bureaux de police plutôt que d’avoir des policiers sur le terrain, est-ce que c’est la bonne démarche ? Ne faut-il pas être plus volontariste sur la question de la vidéosurveillance qui avait été développée durant le précédent mandat où le nombre de caméras a été augmenté et où surtout, on s’est doté du centre de surveillance urbain. Rappeler l’État à ses responsabilités, il le faut, et c’est encore mieux quand on montre que la commune est un partenaire actif de la sécurité publique. Je pense qu’elle peut l’être parce qu’elle a une police municipale dorénavant armée, qui sait travailler la nuit – mais j’ai cru comprendre que c’était remis en cause par la majorité municipale – et qui doit être encore plus sur le terrain. Tout le travail de Gilbert Thiel, ça a été que la police municipale en voiture, à pied, en vélo avec des brigades de jour, soit sur une logique de patrouille, d’îlotage et de proximité.La police municipale n’interviendra plus la nuit ?
C’était dans le programme en tout cas. Ça fait partie de la même liste des promesses. Si la majorité ne la tient pas, je ne lui en ferai pas le reproche… On est parti dans une espèce de surenchère avec un poste de police municipale à chaque coin de rue bientôt.Pour le moment il n’est question que de la rue Saint-Nicolas.
On a parlé aussi d’Haussonville, je crois.Dans l’immédiat, seul Saint-Nicolas semble être à l’ordre du jour…
