Dans les années 80, le Cartel et les milices paramilitaires ont mis la Colombie à feu et à sang. Avec un talent singulier pour déambuler dans les méandres du temps, Juan Gabriel Vasquez se penche sur une génération marquée par la terreur et en ausculte les traces dans l’inconscient collectif.
Le labyrinthe du temps, l’ubiquité de la ville, des personnages évanescents… Si le premier chapitre nous propulse au cœur d’un dispositif typiquement "modianien", cette impression s’efface au fil du récit. Progressivement, les personnages sortent du flou, s’épaississent, prennent des contours nouveaux pour entrer au cœur de l’histoire de la Colombie et de son drame collectif. Procédant par ellipses, avançant par petites touches qui impriment l’instabilité de l’époque, Juan Gabriel Vasquez fait apparaître la responsabilité de certains volontaires du Corps de la paix dans la conversion des paysans à la culture de la marijuana, donnant naissance aux narcotrafiquants et à une guerre fratricide qui a touché toutes les couches de la population. Secondé par une réflexion sur l’interaction des destins, ce hasard qui rend dépositaire de l’avenir ou de l’intimité d’un inconnu, il scrute les blessures d’une génération qui s’est construite sur les fondations mouvantes de la peur. Avec son écriture lucide, ardente et poétiquement désespérée, "Le bruit des choses qui tombent" renvoie à toutes ces chutes individuelles, à toutes ces existences passées à la moulinette d’une tragédie nationale.
Cet article est paru le 31 octobre dans l’hebdomadaire La Semaine n°395 à Metz. Pour lire le journal dès sa parution, abonnez-vous !