Nancy : un lieu pour aider les personnes atteintes d'autisme à entrer dans la vie adulte

Une dizaine d’appartements accueillant de jeunes adultes porteurs de troubles du spectre autistique ont été inaugurés en plein cœur de Nancy. Un projet porté par l’association Vivre avec l’Autisme en Meurthe-et-Moselle, le premier du genre dans le département. C’est une visite de résidence un peu atypique qui s’est déroulée dans la matinée du vendredi 14 juin au 122 Quai Claude le Lorrain. Si de prime à bord les appartements ressemblent à des logements tout à fait classiques, leur spécificité tient des résidants qu’ils accueillent : des jeunes porteurs de troubles du spectre autistique. Il s’agit du LIA Totem pour « logements inclusifs autisme ». Au sein de la résidence étudiante du même nom, une dizaine d’appartements de type F2 de 38 mètres carrés ont été aménagés. Un projet porté par l’association Vivre avec l’Autisme en Meurthe-et-Moselle, en partenariat avec le bailleur social 3F Grand Est. Le premier du genre dans le département. Ils étaient quatre résidents présents sur les neuf lors de cette matinée pour partager leur expérience au sein de ce nouveau lieu : Martin, Dylan, Valentin et Quentin. Tous ont la vingtaine, entre 22 et 28 ans. Certains travaillent, d’autres peaufinent leur projet professionnel ou sont encore étudiants. Le dixième locataire est en cours de « recrutement ». « Peut-être que ce sera une fille », espère Audrey, une des deux assistantes de vie sociale présentestout au long de la journée pour assurer le planning d’animations. Mais il ne faut pas s’y méprendre, « il ne s’agit pas ici d’un établissement médico-social », précise la jeune femme avant d’ajouter : « Nous ne faisons pas d’accompagnement individuel, nous sommes là pour faire vivre le collectif. » Chaque habitant est locataire de son appartement. Ils sont ici chez eux. Le projet a été construit avec les résidants et « toutes les décisions ont été prises en concertation », notamment en ce qui concerne l’aménagement des espaces de vie communs, détaille Nicolas Litaize, directeur de Vivre avec l’Autisme en Meurthe-et-Moselle. Le projet est soutenu financièrement par le Département de Meurthe-et-Moselle, la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie et une partie des équipements a été financée grâce à un don de 12 000 euros de la fondation Orange, partenaire de Vivre avec l’Autisme depuis maintenant de nombreuses années.

Émancipation et autonomie

Le LIA, c’est avant tout une passerelle pour s’émanciper du cocon familial pour ces jeunes adultes. C’est le cas de Martin qui, avant de devenir l’un des premiers locataires du LIA, vivait chez ses parents et était suivi par le Sessad (service d’éducation spéciale et de soins à domicile) de l’association. « Je progresse petit à petit sur des tâches comme la cuisine, le ménage ou la vaisselle. J’avais besoin d’indépendance et, ici, j’ai pu gagner en autonomie. C’est un nouveau chapitre de ma vie et j’espère le poursuivre encore longtemps », témoigne le jeune homme dont la joie est palpable. Les résidents peuvent en effet bénéficier d’aides à domicile pour les accompagner dans leurs tâches quotidiennes. Une manière aussi de lutter contre l’isolement. « Nous étions inquiets et fiers à la fois. Nous ne sommes pas éternels et nous nous posions beaucoup de questions par rapport à la solitude que notre fils pourrait rencontrer. C’est rassurant pour nous de le savoir bien entouré et qu’il ait trouvé des personnes avec qui il se sent bien », témoigne le papa d’un des résidents, Benjamin, venu assister avec son épouse à l’inauguration. Leur fils n’était pas présent car il travaillait. L’isolement, Dylan avoue l’avoir mal vécu lorsqu’il vivait dans un appartement « classique » avant de rejoindre la résidence. « On se détache du cocon familial pour mieux appréhender la vie d’adulte. On se sent moins seul aussi. Avant, je n’avais pas vraiment l’occasion de rencontrer de personnes avec lesquelles je me sens à l’aise. » La localisation en plein cœur de Nancy n’a évidemment pas été choisie par hasard puisque l’objectif de l’habitat inclusif est justement de faciliter l’insertion sociale et professionnelle des jeunes TSA,. Et ce n’est pas Valentin qui dira le contraire : « On est bien situé ici, ça me permet de m’améliorer dans mes relations sociales », affirme le résident.

Tisser des liens

Les logements individuels sont complétés par trois espaces communs entièrement équipés : un salon, « le centre » de la résidence comme l’appelle Dylan, une cuisine partagée et une buanderie. Ces espaces sont l’occasion pour les locataires de partager des moments ensemble et de tisser des liens. On peut même sentir une certaine complicité qui s’est nouée entre les résidents. « Personne n’a encore réussi à battre Dylan aux échecs », glisse Quentin en évoquant les soirées jeux de société organisées dans le grand salon. Dylan avoue même avoir amené sa console de jeux dont il fait profiter ses voisins et désormais camarades. « On joue beaucoup au LIA », confirme Anne-Charlotte, la seconde assistante de vie sociale. Chaque mercredi, un point est effectué avec les résidents pour voir ce qui fonctionne bien et ce qui fonctionne moins bien mais aussi déterminer les prochaines activités (55 ont été programmées depuis l’arrivée des premiers locataires en mars dernier) : jeux de société, cuisine, pâtisserie… « C’est bien pour les gens comme moi qui ont dix doigts gauches », plaisante Dylan. Une chose est sûre : aucun n’a envie de retourner chez ses parents.