Son histoire avec Metz est le fruit d’une « heureuse concordance des temps ». Pierre Lescure est le nouveau président du festival Passages, installé à Metz depuis 2011. En attendant l’édition 2013, l’homme raconte son parcours chargé. D’hier à aujourd’hui, une constante : l’intranquillité.
« Envies successives »
Entre 65 et 83, c’est « l’époque d’enfant gâté ». La période faste. Et la chance. « Dans la vie, on naît quelque chose. Mais il y a l’inné et l’acquis. Le plus triste c’est de naître avec des choses, mais de ne pas avoir les opportunités d’ouvrir les tiroirs du bureau intérieur. » Cette tristesse-là n’est pas celle de ce touche à tout, qui laisse libre court à ses « envies successives ». Alors il passe de radio en radio, transite par la télé pour revenir à la radio. Puis à la télé en 83 pour le lancement de Canal. « Une quatrième chaîne, et payante ! J’étais parti pour cinq ans à tout casser. » Il y reste finalement jusqu’en 2002, où il est débarqué par Jean-Marie Messier, devenu entre-temps le grand patron du groupe Vivendi-Universal. Pour beaucoup, il incarne encore "l’esprit Canal". « C’est ma grande aventure, celle qui me reste collée au front. Et j’en suis fier. »Pour beaucoup aussi, Pierre Lescure c’est une voix, un regard. Et une culture protéiforme, grâce à « une famille qui n’a jamais cherché à (le) chapitrer ». « J’ai été témoin de discussions politiques, mais j’ai aussi grandi auprès de gens qui étaient d’une curiosité culturelle permanente. » Très jeune, on l’emmène au théâtre. « Autant voir des pièces de théâtres privés que les grandes créations de Jean Villar au TNP. J’écoutais de la musique classique avec ma mère, de la chanson française avec ma grand-mère. Et mon oncle m’a initié au jazz et aux premiers accents du rock’n roll. » À la fois le patrimoine et la création. « Ça habite ma vie. Si je peux avoir de la musique, du cinéma, du théâtre dans la même journée, c’est une très bonne journée », lance celui qui ne se lasse jamais. De là, un engagement pour une culture populaire qui côtoierait sans complexes une culture plus pointue. « On peut rire à une blague second degré, à une blague premier degré et à une blague pipi-caca. Dans une journée, on doit pouvoir s’offrir les deux parties du menu », milite Lescure. Il y a encore Pierre Lescure homme d’affaires, mais le terme le fait tiquer. « Je n’ai pas de formation de gestionnaire. Quand je suis devenu président de Canal, je pense que j’étais légitime à succéder au fondateur. Mais on m’a reproché d’être un saltimbanque devenu patron. Je suis plutôt un développeur », rectifie-t-il.
« Avoir la pétoche »
Depuis 2008, il dirige le théâtre Marigny, succédant à Robert Hossein. « Quand Pinault me l’a proposé, il m’a dit que ce n’était pas grand-chose à côté de ce que j’avais eu. J’ai dit oui tout de suite. Parce que si j’avais du attendre de retrouver ce que j’ai eu, je serais encore en train de me regarder le nombril. Parce que je voulais avoir la pétoche, surtout. » Celle de ne pas réussir, de se tromper. « Et cette sensation magnifique de faire des choix. » Trouver l’équilibre. Encore et toujours, la quête de l’intranquillité. Et cette recherche obsessionnelle : « Pousser les gens à se donner à 120%. Et que ce soit gai ! » Qu’il s’agisse du journalisme ou de la culture, un but : « Amener les gens à se déployer. »Cet article est paru le21 juin dans l’hebdomadaire La Semaine n° 377 à Metz. Pour lire le journal dès sa parution, abonnez-vous !