Parmi les équipements de pointe que possède le CRPG, une sonde ionique. Photo DR
Le Centre de recherches pétrographiques et géochimiques (CRPG) de Nancy a récemment fait l’actualité en participant à la mission lunaire des Émirats arabes unis. Un établissement créé dans les années 1950 et qui a su s’imposer comme une référence mondiale auprès de la communauté scientifique.
Savez-vous qu’un laboratoire nancéien participe régulièrement à des missions spatiales internationales ? Il a d’ailleurs récemment fait l’actualité puisque trois chercheuses nancéiennes ont collaboré à la tentative d’alunissage du robot Rashid de la mission lunaire des Émirats arabes unis. Il s’agit de Jessica Flahaut, Evelyn Füri et Marine Joulaud. Elles faisaient partie de l’équipe qui pilotait l’engin depuis Dubaï. Jessica Flahaut est chargée de recherche au Centre de recherches pétrographiques et géochimiques (CRPG) de Nancy, une unité mixte de recherche du CNRS et de l’Université de Lorraine.
Initié par Marcel Roubault, l’établissement voit le jour en en 1953 dans les murs de l’École nationale supérieure de géologie (ENSG) dont il était directeur. « L’idée était de créer un laboratoire d’analyses attenant à l’école », explique Michel Champenois, chercheur au CRPG installé sur le plateau de Brabois depuis 1961, dans un bâtiment dessiné par l’architecte Jean Bourgon. Les recherches du centre couvrent quatre domaines d’études : tectonique, érosion et évolution du relief ; magmas et fluides profonds ; cosmochimie et planétologie ; cycles, atmosphère et climats. « Nous étudions les géosciences au sens large. Autrement dit, tout ce qui concerne les conditions de création et d’évolution de notre système solaire, et de la planète Terre », précise Yves Marrocchi, également chercheur et directeur adjoint du CRPG.
Les approches sont multiples : comprendre le mécanisme de création des reliefs montagneux, le processus d’érosion, analyser les différentes couches terrestres, anticiper les évolutions climatiques grâce au passé, étudier la surface des planètes du système solaire ou de fragments de météorites… « Les météorites sont les livres d’histoire de l’univers ! » Attention toutefois à ne pas s’y méprendre. « Nous ne sommes pas des astrophysiciens, nous étudions la matière », nuance Michel Champenois. À ce titre, le CRPG s’attend à recevoir, à partir du 24 septembre prochain, des échantillons de l’astéroïde Bennu récoltés par la sonde spatiale Osiris-Rex de la Nasa.
Une spécificité historique
La présence de l’ENSG et du CRPG à Nancy est loin d’être le fruit du hasard. Les deux établissements ont rapidement participé à la renommée de la cité ducale et le centre de recherches a vu – et voit encore – passer de nombreux scientifiques du monde entier. Une spécificité due à l’histoire du territoire, en particulier à son passé minier. « À cette époque, il y avait un besoin de former des ingénieurs miniers pour faire exploiter les ressources provenant des mines de charbon dans le Pays-Haut, de fer à Neuves-Maisons et de sel à Varangéville. » C’est au début sur la compréhension des formations rocheuses françaises que se portent les études d’Hubert de la Roche, deuxième directeur de l’unité de recherche. « Au départ, on se posait beaucoup de questions sur la naissance des massifs montagneux et l’évolution du relief. » Les années 1970 développent le CRPG sur ces bases. La pétrologie expérimentale prend une place importante et de nombreux chantiers apparaissent avec les travaux pionniers de Patrick Le Fort en Himalaya. Puis les années 1990 voient le spectre thématique et analytique du CRPG s’élargir. La cosmochimie, les gemmes, l’étude des processus de surface et l’environnement deviennent des thèmes majeurs du centre. « Des disciplines complémentaires puisque nous utilisons les mêmes outils pour analyser des échantillons terrestres et des échantillons extraterrestres. » « Ce sont aussi des cailloux finalement ! », complète dans un rire Yves Marrochi.
Une référence mondiale
Si le CRPG est autant reconnu au sein de la communauté scientifique internationale, c’est aussi parce qu’il dispose d’un parc technologique unique. Dès son origine, le centre est fondé sur une très forte infrastructure analytique qui reste aujourd’hui une de ses originalités. « À titre d’exemple, il est le seul laboratoire français à posséder des sondes ioniques et accueille, depuis 1998, l’ensemble des chercheurs de France et même d’Europe qui en font la demande. » Ces instruments permettent de mesurer des concentrations et des compositions particulières dans différents matériaux solides : verres, minéraux, alliages, métaux… Là aussi l’histoire fait bien les choses. « Nous devons cette particularité à deux chercheurs qui se sont “fait les dents” sur des machines utilisées dans le domaine industriel », relate Michel Champenois.
Le CRPG constitue également une base de données de référence pour de nombreux laboratoires du monde entier. « L’établissement a très vite commencé à mener des études quantitatives, ce qui était très rare. Il a acquis un parc de machines et de technologies de pointe unique en France, qui a permis de réaliser de nombreux étalonnages et ainsi d’établir des standards pour la recherche mondiale. » Une mission que poursuit le service d’analyse des roches et minéraux (SARM) qui étudie quelque 6 000 échantillons par an. Des données qui servent en premier aux personnels du CNRS ou d’universités, mais aussi de nombreux organismes privés et publics internationaux.
La structure rassemble aujourd’hui une centaine de chercheurs géochimistes, pétrologues, géologues, ingénieurs et techniciens et accueille chaque année une promotion d’étudiants ainsi que des collégiens en stage de découverte. « Nous avons gardé des liens privilégiés avec l’école de géologie et la vulgarisation est aussi une activité importante du CRPG », souligne le directeur adjoint. Dans ce cadre, le laboratoire travaille en partenariat avec la direction des parcs et jardins de la Ville de Nancy depuis 2019, notamment pour la conception du Jardin éphémère place Stanislas. « L’an dernier, le thème était le feu et cette année, c’est l’eau. » Un sujet d’étude parfait pour un retour aux sources, avant de repartir vers les étoiles et se pencher sur de nouveaux échantillons extraterrestres.