Grande Mosquée de Metz : une subvention de 500 000 euros de la ville au nom de la justice et de l’équité

La Ville de Metz accorde une subvention d’investissement de près de 500 000 euros pour la construction de la Grande Mosquée de Metz. Une décision qui a fait l’objet de débats lors du conseil municipal du 15 juillet dernier. Des inquiétudes et des interrogations ont été partagées mais il a aussi beaucoup été question de justice.

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110 000 euros (soit 25 % des besoins en financement) pour l’association de l’Œuvre de la Cathédrale Saint-Étienne de Metz visant à mettre en valeur le trésor de la crypte « par un ambitieux projet scénographique ». Sept millions d’euros pour une opération de restauration (fuite d’eau et vétusté) du Temple Neuf afin de sauvegarder ce « monument majeur du patrimoine ». 172 240 euros (représentant 20 % de la dépense) pour la poursuite (2e tranche) du chantier de restauration de la Synagogue Consistoriale de Metz, en sachant que la Ville de Metz a participé au financement de la 1re tranche à hauteur de 207 000 euros.

Ce sont quelques-unes des opérations figurant au point 7 du conseil municipal du 15 juillet dernier. Mais les débats se sont focalisés sur le projet porté par le culte musulman, la Ville de Metz souhaitant accorder une subvention de 490 000 euros (soit 10 % des dépenses au clos couvert, autrement dit l’enveloppe de construction), à l’association « Grande Mosquée de Metz, centre cultuel » pour la construction de la Grande Mosquée de Metz, estimée à 15,7 millions d’euros et financée par des dons. Un soutien financier qui vient s’ajouter aux 300 000 euros d’avantage en nature que représente la mise à disposition du terrain, par la Ville (voté en 2013), dans le cadre d’un bail emphytéotique au loyer symbolique (15 euros/an). Le chantier a débuté en 2021, à proximité du Technopole. L’ouverture de la Grande Mosquée est envisagée pour l’an prochain. Elle pourra accueillir jusqu’à 4 000 fidèles lors des grands rassemblements.

Au-delà du concordat

90 minutes d’échanges ont précédé le vote. D’emblée, Grégoire Laloux (RN) a fait savoir que ce projet de grande mosquée n’est pas une cause prioritaire, qu’il convenait aussi d’avoir de la visibilité – transparence – quant à l’origine des fonds. Dénonçant une opération « communautariste », le Rassemblement national a voté contre. Confirmant des opinions et points de vue différents en son sein, quatre membres du groupe Unis ont fait le choix de s’abstenir. Notamment en raison d’une opposition au concordat en Moselle qui porte le principe d’un financement public des cultes et de ses ministres. Un concordat « à bout de souffle » pour Pierre Laurent qui plaide pour son abrogation (comme d’autres membres d’Unis) et s’abstient à ce titre de « l’alimenter », quel que soit le culte. Jérémy Roques (Unis) est lui aussi contre le concordat mais comme les autres cultes ont été soutenus, il importe de participer au financement de la mosquée.

C’est une question de « justice », pour résumer sa position. « Il est important de ne pas balayer les angoisses des citoyens », a quant à elle souligné Charlotte Picard, favorable à ce soutien financier, tout en plaidant pour que la Ville soit représentée au conseil d’administration de l’association pour garantir un dialogue qui s’inscrit dans la durée, au-delà des hommes actuellement en place. Des nuances, des questionnements, voire des opposants, il y en a aussi au sein de la majorité municipale. « Avec la hausse des impôts, ce projet fait partie des deux sujets qui ont été les plus discutés. Et c’est bien normal », a concédé François Grosdidier mais, pour le maire, soutenir la création de la Grande Mosquée, se justifie à plus d’un titre.

Au nom de la concorde

Tout d’abord car ce lieu qui est à la fois cultuel et culturel, participera à la pédagogie qui est « la meilleure réponse à la phobie », en l’occurrence à l’islamophobie. « Cette mosquée va permettre de lever les fantasmes », pour reprendre les mots de Hanifa Guermiti (Unis). Ensuite car la communauté musulmane ne dispose pas, pour l’heure, de lieux de prière dignes de ce nom. Enfin, car il importe d’être « juste ». « Il faut traiter tout le monde de manière équitable. La concorde ne se construit pas sur des sentiments d’exclusion et de frustration. Une collectivité doit répondre à un besoin collectif », a précisé François Grosdidier non sans rappeler que la Ville a déjà financièrement soutenu la construction d’édifices cultuels comme l’église Sainte-Thérèse, notamment. En ce qui concerne le volet « financements », c’est aux services de l’État d’assurer une surveillance des fonds (douteux) provenant de l’étranger, ce qui n’est pas interdit, a-t-il précisé.

Et d’indiquer encore que la Grande Mosquée de Metz, centre cultuel joue la transparence quant à ses comptes financiers et est également signataire de la charte des grands principes de l’Islam de France. « La Grande Mosquée de Metz se veut être un acteur du vivre-ensemble, elle favorisera la cohésion sociale puisque les fidèles et les visiteurs de toutes confessions, ou d’aucune, pourront disposer d’un espace pour se réunir, échanger, partager des idées, débattre… », écrit Mohamed Hicham Joudat, président de l’association, dans le courrier adressé à François Grosdidier, en mars dernier, pour solliciter le soutien de la Ville.

Cette subvention qui a fait l’objet d’un vote « à part » de celui des cultes catholique, protestant et israélite, a été votée, comme toutes celles avancées lors de ce « programme d’investissement 2024 – Édifices cultuels ».

Le Temple de Queuleu reste un lieu de culte

Une autorisation de programme d’un montant de 200 000 euros a été votée en faveur de la sauvegarde du Temple de Queuleu, édifice cultuel qui n’est plus utilisé pour le culte protestant réformé et luthérien. Mais cela restera un lieu de culte attribué à un « culte chrétien non concordataire ». Pourquoi ne pas en faire un espace culturel ? « Parce que cela coûterait plus cher, qu’il y a déjà un centre culturel et qu’un lieu de culte a déjà évolué vers un site culturel, à savoir la Basilique Saint-Vincent. De plus, cela répond à un besoin », a précisé le maire de Metz non sans souligner que cela n’empêche nullement l’accueil de concerts, par exemple.