Lorsque l’on s’intéresse aux compétences d’une Ville, rarement on s’arrête sur la gestion mortuaire. On lui préfère des sujets plus joyeux. Il en va de même pour les collectivités territoriales qui communiquent peu sur ce thème. Pourtant, à Thionville, il s’invite régulièrement au sein du conseil municipal à travers un projet d’envergure de près de neuf millions d’euros. La Ville a pris la décision de construire un nouveau funérarium.
Il sortira de terre, chemin des déportés et des résistants soit à l’arrière du cimetière Saint-François – le plus grand de Thionville – sur une parcelle de 5 000 m2 afin de ne pas interrompre l’activité de l’établissement actuel, qui occupe pour l’anecdote, une ancienne gare. « Si l’on arrête, c’est problématique », confirme Pierre Alix, adjoint au maire, chargé de l’état civil et du service à la population. En effet, le funérarium couvre un territoire vaste qui dépasse les frontières. « Les gens viennent aussi de l’étranger pour se faire incinérer ici », souligne l’adjoint au maire. Dans une zone frontalière, les familles ont le choix du crématorium. « Nous échappons à la règle des cercueils hermétiques », indique les services de la Ville. Ainsi, les pompes funèbres peuvent transporter des Luxembourgeois et des Allemands jusqu’au funérarium de Thionville. Pourquoi choisissent-ils la France ? « En Allemagne et au Luxembourg, ils ne peuvent pas disperser les cendres où ils veulent dans les espaces naturels et il semblerait que nous soyons moins chers au niveau des tarifs. »
Le plus ancien
Reste que l’installation actuelle est à bout de souffle. Et pour cause, le funérarium de Thionville est l’un des plus anciens du territoire. Il a été inauguré le 17 mai 1988 et existait avant celui de Metz, Nancy ou du Luxembourg. Il faut dire que contrairement au cimetière, la Ville n’est pas dans l’obligation d’en proposer un. À Thionville, le temps a fait son œuvre et il « risque à tout moment de ne plus satisfaire les besoins en crémation sur le centre ». Ils sont d’ailleurs déjà limités. « En raison du système de filtration inadapté, seuls deux fours sur trois peuvent fonctionner », développe Pierre Alix.
« Nous ne sommes pas dans les meilleures conditions pour accueillir des familles en deuil. »
Pierre Alix, adjoint au service à la population
La taille des salons funéraires pose aussi problème. « Ils restent opérationnels mais nous ne sommes pas dans les meilleures conditions pour accueillir des familles en deuil. » Le funérarium en possède huit actuellement d’environ 12 m2 et quand il y a beaucoup de fleurs, la place se réduit pour le recueillement des proches. « Régulièrement nous n’avons pas de capacité d’accueil et nous sommes obligés de limiter le temps de présentation des corps. » Si le funérarium arrive à saturation, c’est aussi parce que de plus en plus de personnes choisissent l’incinération et que la législation a fait évoluer les délais de crémation de cinq à quatorze jours calendaires.
La Ville – qui assure la gestion du funérarium en régie – s’est penchée sur la construction d’un nouvel établissement. Elle l’a imaginé en longueur avec deux cheminements. « Ils ont été pensés pour que la partie technique n’interfère pas avec les gens venus se recueillir et pour qu’à aucun moment, ils ne puissent percevoir la manipulation du cercueil » note Pierre Alix. Des ouvertures vitrées sur l’extérieur, un puits de lumières et des espaces plus modernes avec 12 salons allant de 23 à 27 m2 et réunissant des lieux d’accueil et de recueillement mais aussi deux grandes salles pour assurer les cérémonies (l’une de 70 m2, l’autre de 200 m2), tout a été pensé pour offrir un lieu confortable et une atmosphère sereine aux familles. Situé proche du cimetière, il permet également un accès facilité aux jardins du souvenir, columbariums et cavurnes.

Pour construire ce projet, plusieurs visites ont été effectuées dans d’autres funérariums et un concours organisé afin de retenir celui qui apparaissait comme le plus fonctionnel et adapté. Parmi les trois candidats, c’est le projet de Philéas architecture qui a été retenu en avril 2023. Le permis de construire désormais validé, les travaux débuteront en janvier 2025 pour une livraison prévue en juin 2026. Une modernisation qui nécessitera une hausse des coûts des prestations mais Pierre Alix l’assure : « Nous serons toujours l’un des centres les moins chers du Grand Est ».
Côté cimetière
Si le centre funéraire est assuré en régie par la commune et dispose d’un budget annexe, la gestion des cimetières est une obligation communale et s’intègre directement au budget global. Thionville en possède huit [Saint-François et ceux des quartiers villages]. C’est donc la ville qui assure la gestion des concessions [dont une partie des sommes est reversée en direction du centre communal d’action social] et son entretien. Sauf dans le cas des cimetières militaires entretenus par le Souvenir Français et du cimetière israélite qui reste la propriété de la communauté israélite, singularité de l’Alsace et de la Moselle.
Marine Prodhon